Belhimer censure, Zeghmati verrouille, Rezig amuse : trois ministres éjectables
Par Mohamed K. – Les encombrants ministres de la Justice, de la Communication et du Commerce sont sur un siège éjectable. Impopulaires et fortement décriés, leur maintien au sein de l’Exécutif gêne le président Abdelmadjid Tebboune, pris par le temps et pressé de mettre en œuvre ses réformes, et le très discret Premier ministre, Abdelaziz Djerad, qui devra choisir sa propre équipe et se débarrasser des intrus imposés par les officines occultes pour pouvoir affronter la situation inextricable dans laquelle se trouve le pays.
Le ministre de la Communication vient encore de frapper. Une émission satirique qui devait être diffusée sur Echorouk TV ce mois de Ramadhan a été censurée. Après les sites électroniques, c’est au tour des chaînes de télévision, qui tentent à grand-peine de cacher les stigmates de l’allégeance, de subir le coup de ciseaux du pouvoir. Amar Belhimer, qu’un ancien camarade de gauche, Lazhari Labter, vient d’enguirlander dans un «coup de gueule» au vitriol, confirme son statut de censeur et d’ennemi de la liberté d’expression. Sa réponse à Reporters sans frontières (RSF) qui lui rappelait le classement peu honorable de l’Algérie en matière de droit à l’information trahit une gêne que l’ancien journaliste et juriste peine à camoufler sous l’emballage froissé dans lequel il a enveloppé son lexique fébrile. L’ancien chroniqueur du Soir d’Algérie efface, par son comportement d’apparatchik parvenu, tous ses écrits passés et enterre une partie de sa vie dédiée aux causes justes, retracée par un ancien compagnon de lutte effaré par la virevolte de l’ami d’hier grisé par la fonction.
Belkacem Zeghmati, ministre de la Justice, poursuit, lui, avec exaltation et fanatisme la mission que lui a confiée un vice-ministre, le général Gaïd-Salah, et, après lui, l’ex-patron du renseignement intérieur duquel il recevait ses ordres de façon directe. Le garde des Sceaux est l’exécutant zélé de la politique répressive instaurée par l’ancien chef d’état-major et poursuivie par son clan, dont une partie est aux arrêts et une autre sur le point de l’être dans le cadre du grand nettoyage entamé par le général Saïd Chengriha, décidé à remettre de l’ordre dans le haut commandement de l’ANP. Son maintien au poste de ministre de la Justice explique, en partie, la poursuite des arrestations de manifestants pacifiques en plein confinement, la chape de plomb qui s’est abattue sur les journalistes forcés à l’autocensure pour échapper à l’embastillement et les restrictions des libertés qui vont croissant.
Enfin, l’apprenti ministre du Commerce refait des siennes en reprenant son cinéma au premier jour d’un Ramadhan pire que tous les précédents. Kamel Rezig, qui avait promis que les prix des denrées alimentaires n’allaient pas connaître la flambée habituelle cette année, a refait appel à ses caméramans accompagnateurs pour tourner un nouvel épisode de son feuilleton intitulé «Regardez-moi savonner l’épicier !». Le ministre stagiaire, recruté sur un plateau de télévision pour avoir récité mille fois le mot «zouaves» sans bégayer, semble se plaire dans ce registre héroï-comique qui n’intéresse ni les ménages étranglés par la cherté de la vie ni les spéculateurs qui ont, depuis bien longtemps, prouvé leur suprématie sur l’Etat. La recrue de Wassini Bouazza, fat et fada à la fois, a cru régler le problème de l’affairisme en effaçant un prix et en inscrivant un autre au gré de sa lubie. Drôle de conception des règles du marché pour – nous a-t-on assuré – un «expert» en économie plus apte au cirque qu’au négoce.
M. K.
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