«Lutte contre le séparatisme islamiste» : énième entourloupe d’Emmanuel Macron
Par Mrizek Sahraoui – C’est depuis qu’il a lancé son plan pompeusement appelé «la reconquête républicaine et la lutte contre le séparatisme islamiste» qu’Emmanuel Macron a tracé sa route loxodromique qu’il croit, dur comme fer, devoir le mener à bon port. Dès l’instant où l’on parle d’islam en France, la souveraineté n’est pas loin.
Reprenons depuis le début.
La perspective d’un retour à une vie à peu près normale après le déconfinement, fixé au 11 mai prochain, est loin de rassurer l’ensemble des Français. C’est, en tout cas, la lecture qu’a donnée un sondage, diffusé mercredi dernier, où il est indiqué que deux tiers d’entre eux (66%) se disent inquiets face à cette idée, sûrement échaudés par les scandales et les controverses liés à la gestion de la pandémie, 21 856 personnes en sont décédées, en France.
Selon une autre enquête d’opinion, publiée jeudi 23 avril, 6 Français sur 10 (60%) sont opposés à un retour en classe le 11 mai. L’Exécutif qui avance à tâtons dans ce dossier, multipliant sans cesse, et surtout sans réelle conviction, les pistes de sortie de crise, a fini par jeter le doute sur cette décision de rouvrir les établissements scolaires, une rentrée majoritairement jugée prématurée pour au moins deux raisons. D’abord, les Français craignent que la mise en place des moyens de protection, masques, tests, respect des règles barrières, dans les écoles, les collèges et les lycées, un environnement propice à la contagion, ne soit pas au rendez-vous. Puis, le nombre de morts que le directeur général de la santé rend public chaque jour, demeurant, hélas, très important – 516 morts ces dernières 24 h – que les médias mainstream passent, malgré tout, à la trappe, ce chiffre donc montre que le Covid-19 sévit encore, et que la pandémie est loin d’être finie, malheureusement.
Outre le sentiment de méfiance que nourrissent une majorité de Français à l’égard des autorités politique et sanitaire, aggravé par le manque d’informations et par les hésitations du gouvernement, incapable de définir une ligne de conduite claire, d’aucuns soupçonnent le président Macron de préparer non pas le déconfinement, mais l’après-déconfinement, comprendre 2022, année des présidentielles.
Hormis les attaques lancées dès le début de la pandémie sur les réseaux sociaux, visant le chef de l’Etat et même ceux qui l’entourent, jusqu’à il y a quelques jours, avant que la macronie ne prenne de l’eau partout, il y eut une sorte de consensus tacite général et non moins fort, selon lequel l’heure ne devrait pas être à la polémique. Si bien que du côté de l’opposition, tout est fait pour étouffer les critiques et faire taire les polémiques sur la gestion de cette crise sanitaire, catastrophique au demeurant. Tout bien considéré, Il y eut de la retenue, soit pour donner cette [fausse] impression de renforcer le sentiment d’unité nationale dans ces moments difficiles ou alors, plus cyniquement, parce qu’il eût paru déplacé de soulever des critiques au moment où le Covid-19 fait des ravages.
Cette attente prudente de l’opposition et des médias qui (lui) sont hostiles a bénéficié à Emmanuel Macron qui sait qu’il va tantôt devoir faire face à une avalanche de coups. Les Gilets jaunes n’ont pas dit leur dernier mot ; les groupes radicaux sont à l’affût, et s’ajoute la flopée de plaintes visant les membres du gouvernement ou le Président lui-même, toutes issues des proches des nombreuses victimes, des médecins ou d’associations citoyennes, que la justice devra, quoi qu’il en sera, instruire. Faute de quoi, l’on dénoncera «une justice aux ordres».
Il faut décrypter ses discours pour déceler la preuve qu’Emmanuel Macron se prépare dans la perspective de l’élection présidentielle de 2022. Les médias de droite, les nostalgiques d’un monde passé dont ils croient à la résurgence, se rongent les sangs à propos de la stratégie du futur Président-candidat. Outre le sujet de l’islam associé bien évidemment au thème de l’immigration, son plan s’articule, selon de nombreux observateurs, autour de quatre axes principaux. D’abord, il a commencé, fait inédit, par faire son mea-culpa, reconnaissant l’existence de «failles» ; ensuite, il a dressé un tableau comparatif avec les autres pays, considérant qu’ils ont tous été confrontés aux mêmes difficultés d’approvisionnement et de gestion de la crise, ce qui est loin d’être faux.
Puis, comme pour rappeler la nécessité de rester unis face à un dangereux et mystérieux virus, il invite à ne pas «chercher de bouc-émissaire, ne pas entrer dans une guerre des responsabilités», histoire de dédouaner les proches qui ont failli à leurs responsabilités. Et enfin, vient cette petite phrase : «Je l’ai toujours dit, moi je ne suis pas … je ne crois pas à l’absence de souveraineté», des propos – ou bien une revendication – lourds de sens qui n’ont pas échappé aux analystes politiques patentés, cités dans l’entretien fleuve qu’Emmanuel Macron a accordé, jeudi 16 avril, au Financial Times, et superbement ignorés par les édito-prêcheurs du macronisme, glosant plutôt «le manque de transparence de la part de la Chine dans sa gestion de l’épidémie du coronavirus».
Le terme «souveraineté» est cité 25 fois dans l’entretien, plus que probablement un chapitre pivot de son programme de campagne, selon lesdits médias de droite qui pointent «un souverainisme 2.0» et qui, après cela, s’accrochant aux années de gloire de leur camp, craignent la fragmentation de la droite républicaine par un Président disruptif tout en faisant le matamore, qui a décidé d’en finir une bonne fois pour toutes avec la gauche, la droite et… la droite extrême.
Comment ? D’aucuns ont noté un principe immuable et sacré chez Macron. Il comprend que ça : l’entourloupe !
M. S.
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