Le professeur Didier Raoult bientôt suspendu par l’ordre des médecins ?
Par Dr Abderrahmane Cherfouh – «Si, pour lutter contre une maladie, on donne une infinité de remèdes, cela signifie que la maladie est incurable.» (Anton Tchekhov). Elle est pertinente la citation de ce médecin et grand écrivain russe du XIXe siècle qui savait manier le stéthoscope et la plume et qui résume l’incapacité du monde scientifique à l’heure actuelle à trouver un remède capable de soulager l’humanité qui attend désespérément d’être enfin délivrée de ce cauchemar qui s’éternise.
Il y a cinq mois, presque jour pour jour, le coronavirus, ennemi redoutable de l’humanité, avait surgi du néant – ou de la Chine – pour venir par surprise attaquer le monde sans lui avoir au préalable déclaré la guerre. Il a pris tout le monde de vitesse au moment où personne ne l’attendait. Passé l’effet de surprise, le monde allait réagir en conséquence et adopter une stratégie commune pour essayer autant que faire se peut de limiter les dégâts. En premier lieu, le confinement adopté presque à l’unanimité aux quatre coins du monde était la seule stratégie possible à lui opposer pour parer au plus pressé. En second lieu, ce fut au tour de la science de monter au créneau, d’affûter ses armes et de partir à l’assaut de ce fléau ravageur pour l’acculer et lui porter l’estocade.
De tout temps, la science a exercé une attraction considérable sur l’Homme qui voyait en elle la seule lueur d’espoir capable de venir à son secours. Face au COvid-19, le monde retenait son souffle et tout en se confinant, attendait impatiemment que la science fasse son travail .Très vite, le professeur Didier Raoult, directeur de l’institut Méditerranée Infection à Marseille, un virologue de réputation mondiale, avait répondu à son attente. La question que l’on se posait était de savoir si c’était lui notre messie et notre sauveur. Il faut dire que Didier Raoult n’est pas un professeur comme les autres. Il se distingue par son look et par son humanisme. On dit de lui qu’il est un rebelle, un insoumis, un provocateur, un climato-sceptique, un Gilet jaune en blouse blanche.
Il avait trouvé la solution miracle que tout le monde attendait et qui n’était autre que la chloroquine, ce vieux médicament utilisé comme remède contre le paludisme depuis soixante-dix ans. Il le préconisait comme son arme de combat en tant que solution thérapeutique viable contre le coronavirus. Très vite, ce médicament allait susciter beaucoup d’espoir de par le monde. Mais, comme il y toujours un mais, la chloroquine allait semer la controverse et diviser le monde en deux camps : l’un favorable à son usage, l’autre ne voulant pas se précipiter et préférant temporiser.
Didier Raoult, infectiologue et professeur de microbiologie, incarnait le premier camp. Son palmarès éloquent et ses grandes découvertes parlaient pour lui. L’autre camp est incarné par tous les critiques qui trouvent son utilisation de la chloroquine hâtive et prônent la prudence pour ne pas exposer les malades à ses effets secondaires.
Parmi ces critiques, on peut citer, entre autres, un autre monstre sacré de la recherche, de la virologie et de l’immunologie, l’Américain de réputation mondiale Anthony Fauci qui occupe depuis trente-six ans le poste de directeur de l’Institut national des allergies et maladies infectieuses, une autorité sanitaire très écoutée, un héros national dans son pays et fer-de-lance de la lutte contre le coronavirus. Ce grand immunologiste n’a pas hésité à remettre à sa place Donald Trump en personne qui prévoyait d’utiliser la chloroquine : «Le président veut redonner de l’espoir aux malades. En tant que scientifique, mon travail est de prouver sans l’ombre d’un doute qu’un médicament est non seulement sûr mais efficace». Par cette déclaration, le professeur Fauci venait de clore le débat et de prononcer solennellement sa sentence contre l’utilisation tous azimuts de la chloroquine, en mettant en avant les risques secondaires graves de la chloroquine, notamment des lésions rénales et hépatiques. C’était, en quelque sorte, le «vaincre ou mourir» du Pr Raoult contre le «wait and see» du Pr Fauci.
Lui emboîtant le pas et sans citer la chloroquine, l’OMS a lancé un rappel à l’ordre et demandé de s’abstenir d’utiliser des thérapies qui n’ont pas encore fait leurs preuves.
Au Québec, l’utilisation de la chloroquine n’est pas conseillée par l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS). L’INESSS recommande de limiter l’usage de ce médicament au cas par cas, à des patients dont la situation clinique est sévère. «Il pourrait y avoir des morts», a déclaré le docteur Patrice Harris, président de l’Association médicale américaine (AMA), la première association de médecins des Etats-Unis. «Il s’agit, a-t-il expliqué, d’un nouveau virus et nous ne devons donc pas promouvoir un médicament qui n’a pas été testé et approuvé par la Food and Drug Administration», l’Administration américaine des médicaments et des denrées alimentaires.
Depuis l’apparition du coronavirus, le professeur Didier Raoult, très tenace, se démenait, passant d’une télévision à une autre, sollicitant les médias pour défendre avec acharnement l’usage de la chloroquine. Mais la science est un peu comme le football ; seul le résultat compte. Certes, le professeur Raoult a effectué plusieurs essais pour prouver l’efficacité de la chloroquine, mais seul un essai a été publié avec tirage au sort. Il a essuyé des critiques de la part de ses confrères qui lui reprochent notamment le faible échantillon de patients testés.
Voici, à titre d’exemple, la conclusion détaillée par la revue médicale Prescrire dans un article scientifique intitulé : «Covid-19 et hydroxychloroquine : de nouvelles données sans signal d’une efficacité» : «Les résultats d’un nouvel essai comparatif randomisé, non aveugle, hydroxychloroquine à fortes doses versus soins standard chez 150 patients hospitalisés pour Covid-19 ont été publiés. La seule différence notable entre les groupes a été la grande fréquence des effets indésirables avec l’hydroxychloroquine. Les résultats d’autres études non randomisées, de faible niveau de preuves, n’ont pas été en faveur d’une efficacité clinique de l’hydroxychloroquine».
Le professeur Raoult est désormais dans une situation délicate : «Raoult bientôt suspendu par l’ordre des médecins ?», a titré l’hebdomadaire français L’Express. «Que peut-on reprocher au Pr Raoult ? Son premier essai, sur un tout petit nombre de patients, a bien été soumis à l’approbation de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) comme interventionnel. Par contre, celui du 9 avril a été déclaré observationnel, c’est-à-dire qu’il ne servait qu’à confirmer le premier. Et c’est bien ce qui pourrait lui être reproché par l’ANSM car un essai clinique qui ne respecte pas les procédures officielles est une faute passible d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende».
En Algérie, la chloroquine a été adoptée pour soigner tous les cas de Covid-19 confirmés. Les spécialistes algériens, Dr Yousfi de l’EHP de Boufarik, la Pr Naïma Achour de l’EHS El-Kettar et le directeur de l’INSP, le Pr Lyes Rehal, affirment : «Le protocole thérapeutique à base de chloroquine essentiellement, auquel ont été soumis les patients atteints de Covid-19, a prouvé son efficacité quasi-totale».
A. C.
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