France : les autorités redoutent les révoltes sociales et émeutes de la faim
Par Mesloub Khider – Les classes dirigeantes, à la faveur de l’effondrement économique prévisible depuis quelques années, sous couvert de lutte contre le Covid-19, avec leur opportune mesure de confinement censément salvateur, escomptaient endiguer le virus de la contestation sociale depuis plusieurs années très virulent. En brisant le thermomètre (de la contestation), les gouvernants pensaient éliminer la fièvre (sociale). Autrement dit, en confinant des millions de personnes contestataires, ils espéraient enrayer leur tempérament subversif, désamorcer la bombe virale insurrectionnelle. Mais contre la fièvre sociale chauffée à blanc aucun vaccin politique réformiste n’est efficient. Aucune manœuvre dilatoire sanitaire, fût-elle opérée dans un contexte de psychose pandémique, ne peut la circonscrire.
Le gouvernement français vient d’apprendre à ses dépens cette implacable vérité. En effet, la réalité vient de refroidir les ardeurs triomphales du pouvoir français, trop naïvement confiant de sa manœuvrière opération totalitaire de confinement, après avoir pris connaissance du dernier rapport de leurs services du renseignement. Le gouvernement Macron, premier Etat à déchanter, vient d’apprendre, avec amertume, que le confinement n’avait pas eu les effets escomptés, à savoir endiguer le virus de la révolte sociale toujours en phase d’incubation, de fécondation, de maturation, de propagation, de mutation, en dépit de «mise sous séquestre» policière, de sa mise sous camisole sanitaire.
Sans aucun doute, ce rapport a dû faire l’effet d’une douche froide à l’Elysée. Sa lecture a assurément glacé le sang des dirigeants français. Selon l’hebdomadaire Le Point, daté du 12 avril 2020, relayant une information du journal Le Parisien, «la fin du confinement inquiète les renseignements». En effet, le service central du renseignement territorial redoute l’exacerbation des mouvements sociaux dans les prochaines semaines, au lendemain de la levée du confinement. Ainsi, notre analyse sur l’embrasement social prévu au lendemain de la période de confinement se confirme. Nous avions écrit ici même dans Algeriepatriotique (1) que les révoltes sociales et émeutes de la faim allaient se propager plus massivement que le coronavirus. Quel que soit le pays, le continent. Pour paraphraser Poutine : les révoltes sociales et émeutes de la faim iront secouer les puissants jusque dans leurs chiottes.
A la furieuse colère, aujourd’hui contenue par le confinement, dirigée contre la gestion calamiteuse du gouvernement Macron, illustrée par la défaillance criminelle de matériels médicaux (absence de masques, solutions hydro-alcooliques, respirateurs et, surtout, tests de dépistage) et par le mensonge éhonté du pouvoir viendrait se greffer le mécontentement social suscité par le chômage et la dégradation des conditions de vie.
De toute évidence, après l’entracte forcé du confinement, la scène sociale reprendrait son scénario séditieux de la contestation, interrompu opportunément par le confinement pénitentiaire. Selon les services du renseignement français, révèle Le Point, «plusieurs groupuscules contestataires auraient déjà prévu des rassemblements, manifestations et actions coup de poing dès que le confinement serait levé en France».
Au reste, la page Facebook d’un collectif très actif d’extrême-gauche, dénommé «Refusons le retour à la normale», prévoit un grand événement, écrit Le Parisien. Si la date de l’événement n’est pas indiquée, en revanche l’horaire est déjà annoncé : 11 heures. Sur leur page Facebook est exhibée en exergue cette sentencieuse adresse : «Notre colère ne sera pas confinée. Retrouvons-nous dans la rue dès la fin du confinement ! Mettons le pouvoir en quarantaine !» D’ores et déjà, dans diverses villes de France, plusieurs manifestations seraient prévues pour le premier samedi post-confinement. De nombreuses organisations de la mouvance autonome d’extrême-gauche appellent «à une transversalité des luttes», en incorporant les «Gilets jaunes et les Blouses blanches». Les services de renseignement ont noté avoir découvert la diffusion d’une «attestation de déplacement révolutionnaire» publiée par un média alternatif à Bordeaux se réclamant des Gilets jaunes. Sur cette attestation parodique, les cases à cocher sont délibérément séditieuses.
Ainsi, sont inscrites les notations suivantes : «A utiliser sans modération après le confinement» : «Déplacements entre le domicile et le pouvoir indispensable à l’exercice d’émeutes», ou encore, «Participation à des commandos sur demande des assemblées populaires». Toujours sur leur page Facebook, les renseignements ont relevé cette information : «Le confinement est utilisé pour harceler, humilier et parfois tuer ceux identifiés à risques pour le pouvoir : les habitants des zones pauvres.»
A cet égard, pour ces militants de la mouvance autonome, le projet de «tracking», programmé par le gouvernement Macron, est une «efficience de la techno-police» visant à «surveiller les corps et âme de la plèbe».
L’ultra-droite identitaire n’est pas en reste. Elle serait également mobilisée. Et invite également la population française à des soulèvements violents. Les services du renseignement ont notamment pu lire sur son site : «La France est une cocotte-minute […] Ce gouvernement macronien a-t-il conscience des sommes de haine et de colère qui s’accumulent ? […] Que les comportements collectifs pourraient se déchaîner contre lui avec toute la brutalité d’une mutinerie sanglante ?»
Au-delà de la mouvance de l’extrême-gauche, l’ensemble des travailleurs actifs ou récemment mis au chômage entendent occuper de nouveau l’espace public pour protester contre la gestion sanitaire du gouvernement Macron, contre l’explosion du chômage, la détérioration des conditions sociales. Sans conteste, l’après-confinement s’annonce mouvementé. La note confidentielle des services du renseignement sur le «suivi de l’impact du Covid-19 en France précise que les syndicats n’accepteront pas un retour à la situation d’avant-crise car celle-ci a démontré les limites du néolibéralisme», écrit BFMTV sur son site d’information.
Au-delà des mouvements sociaux prévisibles, les autorités françaises redoutent aujourd’hui les émeutes de la faim, particulièrement dans les quartiers populaires pauvres, notamment dans le département de Seine Saint-Denis. C’est ce que confirme un mail récent du préfet de ce département. «Mon principal risque dans les quinze jours qui viennent est, si l’on excepte le risque sanitaire, le risque alimentaire», aurait rédigé le préfet du département, mercredi 22 avril 2020. «Devant les soupes populaires, les files d’attente ne diminuent pas, et ce ne sont pas des habitués, ce sont des salariés», a déclaré un élu local dans le journal Le Canard enchaîné.
La classe dirigeante française est très inquiète. Comme le rapporte le journal officieux du gouvernement Le Monde qui souligne : «Au sommet de l’Etat et de la majorité, certains ont fait le même constat et redoutent que la crise sanitaire débouche sur une crise sociale, en évoquant une potentielle forme de giletjaunisation de la crise.» Un député de la majorité gouvernementale, Guillaume Chiche, ne se trompe pas en indiquant que «l’épreuve actuelle peut faire resurgir un phénomène de lutte des classes». Cette situation, toujours selon Le Monde, serait jugée «périlleuse». Pour le délégué général de LREM, Stanislas Guerini, «il ne faut pas laisser s’installer l’idée qu’il y aurait deux Frances, celle des travailleurs sur le terrain et celle du télétravail ; celle confinée dans les HLM et celle des résidences secondaires ; celle des PME et celle des grands groupes (…).
Le risque que les fractures s’exacerbent entre ces deux France est réel». Et pourtant, c’est cela la réalité, en France, en Algérie, dans le monde : il y a deux Frances, deux Algéries, deux mondes ; autrement dit deux classes antagoniques, aux intérêts économiques radicalement différents et aux perspectives politiques totalement opposées. Plus que jamais, la pandémie du Covid-19, couplée à la récession économique, a contribué à l’exacerbation des inégalités et à l’intensification des ressentiments à l’égard de la classe dominante.
En France, comme dans tous les pays, le climat social actuel, sur fond de tensions géopolitiques entre puissances impérialistes, est en ébullition. Et les récents mouvements sociaux, les Gilets jaunes en France, le Hirak en Algérie, viennent confirmer que le monde est entré dans un ultime cycle de lutte de classes.
- K.
(1) Les révoltes sociales vont se propager plus massivement que le coronavirus, 24 mars 2020.
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