Covid-19 en Algérie : le Dr Aziz Ghedia conteste le chiffre d’un médecin à Paris
Par Dr Aziz Ghedia – Le journal El-Watan du 29 avril a barré sa Une avec un titre accrocheur : «Selon une étude sur l’effet des mesures de prévention sur l’épidémie du Covid-19 en Algérie : près de 16 000 cas évités grâce au confinement». Evidemment, le contenu de cet article est truffé de chiffres et de pourcentages. L’auteur de cette «étude prédictive» est un épidémiologiste algérien de l’école Pasteur-CNAM de santé publique de Paris. Autrement dit, il est à mille lieues du foyer épidémique du Covid-19 de Blida. Or, si nous n’avons rien à apprendre à ce confrère, il faut tout de même rappeler que la médecine n’est pas une affaire d’algorithmes. Il ne suffit pas de faire des extrapolations, de dessiner des courbes, de donner des chiffres et des pourcentages et de terminer par une conclusion qui donne froid dans le dos ou, au contraire, de faux espoirs aux citoyens tétanisés par la peur et aux pouvoirs publics qui gèrent cette crise sanitaire.
Médecin de terrain, je me méfie de ces études prédictives faites par des épidémiologistes qui sont peut-être eux-mêmes confinés, donc n’ayant aucun rapport avec les malades, en se basant sur des modélisations virtuelles. Au risque de me répéter, cette épidémie de coronavirus, même en supposant que le virus causal est toujours le même, qu’il ne mute pas d’un endroit à un autre en fonction d’un certain nombre de paramètres – comme le climat, froid, doux ou chaud, le taux d’humidité, la résistance à l’infection de la population concernée, enfin tous paramètres qui peuvent modifier le comportement du virus –, ne se manifeste certainement pas de la même façon en tout temps et en tout lieu. Entre la ville chinoise de Wuhan, d’où il s’est propagé, et la ville de Blida, il y a énormément de différences tant du point de vue épidémiologique que sanitaire, qui font certainement que le système de modélisation ne peut pas s’appliquer sans quelques faux résultats.
En fait, ce qui se passe sur le terrain, c’est qu’actuellement, le nombre de cas Covid+ semble en augmentation : depuis quelques jours, il dépasse la centaine de cas par jour. Cela s’explique probablement par le fait que les médecins sont maintenant bien rôdés face à cette infection. Le diagnostic de Covid-19 est devenu facile à poser sur, d’abord, le contexte épidémiologique, la symptomatologie faite de signes cliniques parfois évidents – fièvre, toux, dyspnée, présence de comorbidité, etc., et, ensuite, la pratique du scanner thoracique (avec ou sans injection) qui se banalise de plus en plus. A partir du moment où on a compris que les images tomodensitométriques en verre dépoli sont caractéristiques de cette infection virale, les médecins, qui sont sur le front de la lutte contre le Covid-19, n’hésitent pas à recourir à ce moyen diagnostic.
De toute façon, même en augmentation, les chiffres n’atteindront jamais ceux signalés par une autre étude prédictive dont j’avais déjà parlé dans une précédente contribution. Les épidémiologistes dont il est question ici, qui sont du CHU de Blida, nous prédisaient 480 000 morts. Rien que ça !
Quant à dire que le confinement en Algérie a permis d’éviter 16 000 cas de Covid-19, cela me laisse perplexe, pour la simple et bonne raison qu’hormis la wilaya de Blida, il n’y a pas eu de confinement au sens vrai du terme dans le reste du pays. Et il y a lieu de penser que c’est mieux ainsi. La circulation du virus au sein d’une population majoritairement jeune est un bon moyen d’obtenir l’immunité collective tant espérée et à moindre frais. Car, nous le remarquons aussi, il y a de moins en moins de morts du Covid-19 dans nos statistiques officielles. C’est ce qui importe le plus.
A. G.
Comment (30)