Covid-19 : un médecin algérien exerçant au Canada répond au Dr Aziz Ghedia
Par Dr Abderrahmane Cherfouh – Le Covid-19 a pris tout le monde de vitesse. Face à cette urgence provoquée par sa propagation foudroyante, il fallait parer au plus pressé. Il y avait deux stratégies à adopter : soit l’immunité de groupe soit le confinement. A l’unanimité, le confinement a été choisi aux quatre coins du monde, non seulement pour tenter de stopper la propagation du virus, mais également pour éviter de saturer les structures sanitaires et particulièrement les services de réanimation. On a vu que malgré la bonne volonté, les structures de santé mondiales ont été débordées et submergées et arrivaient difficilement à absorber l’afflux considérable des malades.
Mais l’objectif était de freiner l’extension de la maladie. Il n’y avait pas meilleur choix. Un consensus planétaire et scientifique s’est dégagé sur l’idée du confinement. Ils étaient très rares ceux qui avaient opté pour l’immunité collective, à l’instar de la Suède et du Royaume-Uni entre autres. «Chaque famille perdra des êtres chers ! », avait prévenu le Premier ministre britannique, Boris Johnson, lorsqu’il faisait le pari de l’immunité collective. Mais, mesurant l’ampleur du danger, il s’est ravisé et a fini par se rendre à l’évidence et rentrer dans le rang.
Le Dr Aziz Ghedira persiste en optant pour l’immunité de groupe. En temps de crise, et pour être crédible, il est plus que jamais important d’offrir une étude basée sur des faits scientifiques, diversifiée, très rigoureuse, étayée par des preuves et des données accessibles à tous. Or, nous n’avons rien vu de cela, tant aucune étude n’a été exposée par l’auteur dans son argumentaire. Le Dr Aziz Ghedia écrit : «Et il y a lieu de penser que c’est mieux ainsi. La circulation du virus au sein d’une population majoritairement jeune est un bon moyen d’obtenir l’immunité collective tant espérée et à moindre frais». Affirmer cela reviendrait à enfreindre les principes fondamentaux des droits de la personne. C’est porter atteinte à la vie humaine dans ce qu’elle a de plus sacré. Selon des scientifiques, plus de la moitié de la population mondiale devrait être contaminée pour que le virus disparaisse si on opte pour l’immunité de groupe. Il faudrait que la population atteigne un degré d’immunité collective et celle-ci est atteinte lorsque près de 70% des individus ont développé des anticorps après avoir été affectés par la maladie, même sans avoir développé des symptômes. Mais, pour atteindre ce seuil de 70% et pour que la propagation du virus s’arrête d’elle-même, il faudrait exposer les gens de manière irresponsable et inconséquente au virus.
Parier sur cette immunité collective est une idée irréfléchie et macabre. C’est inimaginable et incroyable d’adopter une stratégie qui consiste à attendre la mort d’une partie des infectés pour préserver les non-infectés restants une fois ce seuil atteint. Il est insensé de miser sur cette option, surtout pour un médecin dont la vocation principale est de soigner et de sauver des vies humaines.
Ce seuil ou ce degré d’immunité qui est de 70%, d’après les scientifiques, va nous permettre de calculer sur une population donnée le nombre de personnes qui seront contaminées ainsi que le nombre de décès et le nombre de guéris. Il faut savoir que le taux de mortalité du Covid-19 annoncé par l’Institut Pasteur de Paris est de 0,5%. En Algérie, notre population est de quarante-deux millions d’individus. Le calcul consiste à mettre 0.5% de taux de létalité (ou mortalité) pour Covid-19, puis de multiplier par les 70% de notre population. On obtient 147 000 de décès et 29 253 000 guéris pronostiqués pour 29 400 000 contaminés. Les 30% restants, soit 12 600 000 individus, ne seront jamais touchés par le Covid-19 puisque l’immunité de groupe est atteinte lorsque près de 70% des individus ont développé des anticorps après avoir été touchés par la maladie, même sans avoir développé des symptômes. Or, dans le cas du Covid-19, il faut que l’Algérie sacrifice 147 000 personnes parmi ses enfants si on adoptait cette immunité collective. Comment peut-on considérer 147 000 morts potentiels comme un «moindre frais» ?
Accepter l’idée que 29 400 000 Algériens soient contaminés par le coronavirus et sacrifier 147 000 concitoyens tout en pariant sur le fait que notre système de santé soit capable de faire face à cet afflux considérable de malades dans l’attente que se déclenche l’immunité de groupe, c’est aller à l’encontre de ce que préconise la médecine. Il faut souligner que notre système de santé a éprouvé des difficultés énormes pour faire face à quelques milliers de contaminés : pas assez de lits pour admettre tous les malades, urgences et unités de soins intensifs saturées, etc. Avec l’immunité de groupe, il aurait fallu prendre en charge des millions de contaminés. Au-delà des tragédies humaines que cela aurait engendrées, militer pour l’immunité de groupe défie toute logique et dépasse la raison et l’entendement. Comment peut-on accepter l’idée que des millions de personnes soient contaminées par le virus, en partant du présupposé que les systèmes sanitaires publics seraient capables de limiter les dégâts dans l’attente que se déclenche l’immunité collective ou qu’on trouve un remède ?
Il faut ajouter à cela que tout ceci n’est qu’hypothétique car la maladie étant immuno-dépendante, il ne faut pas crier victoire contre un virus qui, en l’état des données actuelles et sans aucun vaccin, ne garantit pas une solide immunité aux individus une fois contaminés et guéris. Cela, sans oublier, bien-entendu, le chiffre horrifiant de 147 000 décès si 70% de la population devait être infectée. Il ne faut pas hésiter à souligner que rien n’est acquis s’agissant de ce coronavirus et que tout peut recommencer. Il y a eu des cas où les malades ont été immunisés puis contaminés à nouveau par le Covid-19.
Attendons que la science fasse son travail et qu’un vaccin soit découvert. C’est le seul moyen efficace pour contrer le coronavirus, bien que cela demande beaucoup de temps. Il faut, en effet, attendre un ou deux ans, selon les experts les plus optimistes.
A. C.
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