Débat sur le Covid-19 – Le Dr Aziz Ghedia répond au Dr Abderrahmane Cherfouh
Par Dr Aziz Ghedia – Je ne suis pas un oiseau de mauvais augure, mais la crise économique qui nous attend fera probablement plus de victimes que cette pandémie de Covid-19. Le pétrole qui s’est vendu, il y a quelques jours, aux Etats-Unis, à des prix négatifs (-37 dollars) n’est qu’un avant-goût de ce qui attend notre civilisation consumériste. Aucun pays ne sera épargné par cette crise économique qui arrive tout doucement tel un tsunami qui a pris naissance au large et qui avance inexorablement vers le rivage pour tout engloutir.
C’est la fin d’un monde, certes, mais ce n’est pas la fin du monde. Loin s’en faut. L’humanité a déjà connu par le passé de nombreuses crises comme celle que nous vivons actuellement, mais elle ne s’est pas éteinte pour autant. Rien que durant le siècle dernier, il y a eu la «grande guerre» suivie d’une pandémie virale connue sous le nom de «grippe espagnole», en 1918. Cette grippe avait fait entre 50 et 100 millions de morts. Mais la plupart des décès étaient dus aux surinfections pulmonaires et non au virus lui-même. A l’époque, les antibiotiques que nous connaissons et utilisons aujourd’hui, souvent de façon abusive et inconsidérée, n’existaient pas.
Quelques années plus tard, c’était le krach boursier aux Etats-Unis qui avait fait des millions de chômeurs et de pauvres parmi les Américains. Cette crise économique sans précédent a eu des répercussions même en Europe. Elle était, pour certains historiens, le prélude au grand drame qui attendait le monde. En effet, en vertu de la théorie des «battements des ailes du papillon», ce qui s’était passé de l’autre côté de l’Atlantique, amplifié dans l’espace et le temps, s’était mué en une terrible tragédie opposant les armées de l’Europe les unes aux autres avec comme corollaire l’Holocauste. L’entrée en guerre des Américains contre les Japonais à la suite de «l’infamie» de Pearl Harbor, s’était soldée par le largage de la bombe atomique – une nouvelle arme à l’époque – sur les villes japonaises d’ Hiroshima et de Nagasaki. Il y eut plusieurs dizaines de milliers de morts. Et les conséquences des rayonnements ionisants se font sentir jusqu’à aujourd’hui. Durant cette Seconde Guerre mondiale, l’humanité avait frôlé son extinction. Il aurait suffi de quelques autres bombes nucléaires pour aboutir à une fin, non seulement des Hommes, mais de toute forme de vie sur la planète. Point d’exagération !
Voilà pour le préambule.
Un confrère vivant au Canada me reproche le fait d’avoir prôné l’immunité de groupe face à cette pandémie de Covid-19. Pour lui, cette solution est suicidaire. En fait, personnellement, je ne suis ni responsable politique ni une sommité médicale qui a de l’influence sur le pouvoir politique. Ce que j’ai dit et écrit est resté «confiné» dans un espace médiatique, qui plus est, fait l’objet d’une censure depuis plusieurs mois et n’est pas aussi consulté qu’avant en Algérie. Mes élucubrations ou mon «charlatanisme» – cela doit peut-être faire plaisir à certains commentateurs – n’ont donc pas d’impact médiatique au point de faire basculer la balance vers le non-confinement. Ma conscience est donc tranquille.
Ceci d’une part. D’autre part, il est de mon droit aussi de contester les chiffres qui nous sont présentés par des médecins qui n’ont aucune perception de la réalité des choses en Algérie. En Algérie, le confinement ne se passe pas de la même façon qu’en France ou au Canada. C’est un pseudo-confinement. Il ne pourra donc pas avoir le même résultat qu’ailleurs. Et, de toute façon, même dans ce «ailleurs», sous-entendu les pays de l’Europe occidentale et les Etats-Unis, le taux de mortalité par Covid-19 reste dramatiquement élevé malgré le confinement très strict imposé aux populations. Par ailleurs, le plus dramatique dans l’affaire c’est que cela risque, si le confinement se poursuit encore, de se solder par des émeutes de la faim. Ce serait notamment le cas des Etats-Unis où les gens ayant perdu leur emploi et n’ayant pratiquement plus rien pour nourrir leurs enfants commencent à contester de façon très sérieuse cette politique confinatoire. Ce n’est pas simple.
Il est vrai que l’Institut Pasteur est une référence en matière de maladies virales. S’il a annoncé un taux de mortalité de 0,5%, c’est que cela ne peut être que vrai et ne souffre aucune équivoque. Mais cela reste valable pour la France, à mon sens. Cela ne peut être une loi générale applicable en tout temps et en tout lieu. Faire des calculs à partir de ce pourcentage pour nous balancer ensuite un chiffre faramineux de 147 000 décès, c’est aller vite en besogne. A mon humble avis, et l’évolution de cette épidémie en Algérie nous le montre quotidiennement, ce chiffre est trop élevé, plus que celui de nos confrères du CHU de Blida, l’épicentre du Covid-19 en Algérie. Au rythme actuel de nos pertes en vies humaines (3 ce jour du 1er mai), il faudra 30 000 jours, soit presque un siècle pour atteindre ce chiffre. Malheureusement, dans un siècle, aucun de nous ne sera de ce monde pour confirmer ou infirmer ce chiffre. Les chiffres, on peut leur faire dire ce qu’on veut.
Par ailleurs, si on devait tenir compte de ce que vous suggérez dans votre conclusion, c’est-à-dire d’attendre jusqu’à ce qu’un vaccin soit découvert, chose qui ne pourrait avoir lieu «avant un ou deux ans», pour contrer le coronavirus, on appellerait donc la population à rester confinée pendant un ou deux ans encore. Est-ce vraiment possible et réalisable ?
Dans la pratique, voilà ce qui se passe en Algérie.
Le jour, les gens vaquent à leurs occupations le plus normalement du monde, aucune mesure de distanciation sociale n’est observée, aucune mesure barrière n’est respectée et, à partir de 15 heures, pour Alger, ou de 19 heures pour d’autres villes, ils sont sommés de regagner leur demeure. Et, mêmes à ces heures, les gens trouvent toujours le moyen de se rassembler au bas des immeubles ou… sur les terrasses pour une partie de dominos ou de Rami. Alors, croire que ce genre de pseudo-confinement pourrait infléchir la courbe épidémique, c’est croire au père Noël qui descend par la cheminée.
A. G.
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