«Même barbarie !»
Par Mrizek Sahraoui – Bien sûr que la violence sous toutes ses formes doit être condamnée sans l’once d’ambiguïté. Donc l’agression dont a fait l’objet le polémiste Eric Zemmour est indigne et à dénoncer avec vigueur, commise, finalement, par un idiot utile de Zemmour Eric. Aux propos racistes de ce dernier, à son hostilité à tout ce qui est étranger, à sa détestation viscérale de l’Arabe, du Noir et de l’islam, il faut lui opposer non pas des actes de voyous, mais des arguments, très nombreux parce qu’il les provoque lui-même, se multipliant à chacune de ses sorties médiatiques.
Cela dit, l’expression raciste lui devenant son gagne-pain, le journaliste multirécidiviste de la chaîne CNews, un habitué non pas des salles de presse ou des salles des pas perdus en quête d’informations, mais du box des accusés, est considéré, selon un grand nombre de Français, comme un véritable danger public. Les procédures judiciaires à son encontre s’enchaînent à un rythme quasi respiratoire. Il était attendu au tribunal, en janvier dernier avant que son procès ait été renvoyé, où il devait comparaître pour «injure publique à caractère racial» et «provocation publique à la haine raciale», après une lourde charge contre l’immigration et l’islam, les deux thèmes à base desquels il a bâti son idéologie fasciste.
Le patriotard invétéré a eu tant et tant de fois maille à partir avec la justice. Ses discours sont à chaque fois lardés de propos extrémistes et xénophobes. Ce qui lui a valu une nuée de condamnations sans jamais cesser ses attaques ignominieuses. Pour «provocation à la haine religieuse après des propos antimusulmans» tenus en 2016, dans une émission sur la chaîne publique France 5, il a été définitivement condamné à 3 000 euros d’amende, en septembre dernier, une somme dérisoire au regard du mal fait et compte du bénéfice qu’il en tire en matière de notoriété auprès des extrémistes de tous bords.
Il a compris depuis un moment maintenant qu’indexer «tout ce qui n’est pas français», comme si ses parents le furent, est un business très lucratif. C’est pour cela qu’il multiplie ses formules racistes, à tel point qu’on peut éditer un catalogue de déclarations abjectes les unes que les autres, la plupart d’entre elles tenues sur les plateaux de télévision, sous l’œil parfois bienveillant du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), et de tous ceux et toutes celles qui s’offusquent aujourd’hui. Celles-ci et Ceux-là que l’on n’a pas entendu s’indigner outre mesure à propos d’une vidéo montrant une scène qui s’est déroulée dans la nuit du samedi 25 avril après que des policiers ont repêché et interpellé un homme qui s’était jeté dans la Seine, «pour leur fuir», une triste convocation de l’histoire coloniale française quand la police balançait des Algériens dans le fleuve qui traverse Paris.
Des images glaçantes diffusées sur le compte Twitter Là-bas si j’y suis du journaliste franco-algérien Taha Bouhafs, où l’on entend un policier tenir des propos ouvertement racistes : «Il ne sait pas nager, un bicot ça ne nage pas.» Un rire désinvolte lui répond, avant qu’un autre réplique : «Ça coule, tu aurais dû lui accrocher un boulet au pied.»
Peu de réactions officielles sont enregistrées au sujet de cette bavure policière. En revanche, l’agression subie par le polémiste diffusée sur les réseaux sociaux par son auteur a mis en branle la machine polico-médiatique, ankylosée depuis l’arrivée du Covid-19. Les réactions ont fusé de partout, venant même du sommet de l’Etat. Emmanuel Macron aurait appelé le spécialiste es-qualité de la haine de l’étranger pour lui témoigner son soutien.
Avec bonheur, il s’en trouve des journalistes encore lucides, respectueux des valeurs humaines, de l’éthique, pour qui Eric Zemmour n’est pas une victime mais un coupable, coupable d’être le chantre de la violence verbale, tout aussi condamnable.
«L’homme qui crache sur Zemmour n’est autre qu’un autre Zemmour», a écrit avec un ton incisif le journaliste Claude Askolovitch dans un billet publié sur le magazine en ligne Slate, ce samedi 2 mai. «Ils sont une même barbarie, et l’empathie m’est impossible», a-t-il dit encore dans sa tribune au vitriol.
M. S.
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