Les trois axes du forcing diplomatique italien dans la Libye voisine
De Rome, Mourad R. – Disputant dès le mois de février la peu reluisante première place d’un triste classement, écumant quotidiennement, cas de contagion et victimes, l’Italie a été dès le début de la pandémie du Covid-19 l’un des pays les plus gravement touchés.
Une situation qui s’est dangereusement aggravée début mars, donnant l’impression aux observateurs que Rome avait sciemment délaissé le dossier libyen pour se consacrer à ce nouvel ennemi, des plus mortifères.
Mais une actualité en constante évolution et le récent coup de force du maréchal Khalifa Haftar, se proclamant «seul maître à bord», ont imposé à la diplomatie italienne un aggiornamento urgent et une stratégie à très court terme, autour de trois axes bien distincts :
Le premier est celui de l’avenir de la mission européenne Irini, voulue précisément par l’Italie, jugée insuffisante par Fayez Al-Sarraj, car omettant d’aborder l’envoi d’armes et de munitions au bénéfice de son rival Haftar ; Rome a chargé hier son ambassadeur à Tripoli, Giuseppe Buccino, de rencontrer le ministre des Affaires étrangères libyen, Mohamed Siyala, ainsi que l’homme fort de Misrata, Ahmed Matig, pour tenter d’aboutir à une mouture d’Irini plus ciblée, englobant les frontières aériennes, maritimes et terrestres de l’est du pays, une requête directe, d’autant que l’Italie y joue un rôle décisif, de par l’amiral Fabio Agostini, chef du commandement opérationnel de la mission.
Deuxième volet de ce forcing, le retard pris dans la nomination du successeur de Ghassan Salamé et le veto opposé à la candidature du diplomate algérien Ramtane Lamamra, qui ont fortement irrité le ministre italien des Affaires étrangères, Luigi Di Maio, qui avait confié en début d’année à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel qu’Alger et Tunis avaient vocation à un droit de regard particulier dans ce dossier. Selon l’Institut des études de politique internationale, ISPI, Rome partage la position de l’Algérie et dénonce les nuisances de certaines chancelleries, obsédées par les avancées fruit de l’action de notre diplomatie, saupoudrées ici et là par des litanies devenues indigestes de lendemains meilleurs, garantis par les élans épiques de philosophes «désintéressés» et qui, de fait, empêchent toute solution s’écartant un iota de leurs désidératas.
Enfin, et pour mieux signifier aux uns comme aux autres que la coupe est pleine, un plan italien est à l’étude, résolument inscrit dans l’esprit de la conférence de Berlin, qui sera soumis aux experts de Moscou et Washington et se proposera d’accorder à l’Afrique une voie préférentielle dans l’ébauche d’une pax à 100% libyenne, avec un échéancier parrainé par l’Union africaine, contournant ainsi les tirs croisés de ceux qui agissent pour faire de ce pays un sanctuaire instable et un dépotoir de djihadistes à la dérive, nécessitant de l’internationalisation de son gouvernement ; la Fondation Brazzaville, serait, selon certaines sources, pressentie pour s’acquitter dans un premier temps d’une série de missions, soulignant toutefois que son président, Jean-Yves Ollivier, natif d’Alger et grand adepte de la diplomatie parallèle, est loin de «cocher à toutes les cases».
En attendant, vu de Rome, la politique du statu quo ne suffit plus et le moment est venu de cesser la gestion du dossier sous le prisme du laboratoire, mettant en danger la pérennité de l’Etat libyen et déstabilisant à terme son voisinage immédiat.
M. R.
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