Le projet de réforme de la Constitution refonde la doctrine de l’armée algérienne
Par Houari A. – La nouvelle Constitution suggère un changement radical dans la doctrine de l’Armée nationale populaire. On constate dans le mémorandum relatif au projet préliminaire de la nouvelle Loi fondamentale, dans sa partie intitulée «Autres propositions», que les rédacteurs de la nouvelle mouture suggèrent la «constitutionnalisation de la participation de l’Algérie dans les opérations de paix sous l’égide des Nations unies» et la «constitutionnalisation de la participation de l’Algérie dans le rétablissement de la paix dans la région dans le cadre des accords bilatéraux avec les Etats concernés».
Il va de soi qu’une telle participation signifie implicitement l’intervention de l’armée algérienne hors des frontières, ce qui reviendrait à abandonner le principe adopté par l’ANP depuis l’indépendance qui s’interdit toute action militaire en dehors de l’Algérie, dans le cadre de ses missions de défense nationale. Or, les bouleversements géostratégiques qui menacent la sécurité du pays de façon directe font que l’armée ne peut plus continuer de s’enfermer dans une position défensive pendant que des puissances étrangères interviennent au plus près de nos frontières et créent une situation d’instabilité telle qu’elle attente gravement aux intérêts de l’Algérie.
L’attaque du site gazier de Tiguentourine, dans le sud-est du pays, en janvier 2013, avait été considérée comme un casus belli commandité par des officines secrètes dans le but de «tester» les capacités des services de sécurité algériens à repousser une action armée venant de ses frontières sud. La célérité avec laquelle l’armée et les services secrets ont fait avorter l’attaque terroriste a dissuadé les groupes armés essaimés dans le Sahel et en Libye de «récidiver». Mais cette action avait montré à quel point il était devenu indispensable pour l’armée algérienne d’intervenir derrière ses frontières et de ne plus laisser le champ libre devant des Etats qui ont fait de l’ingérence et de l’interventionnisme dans la région le maître mot de leur politique étrangère.
En Afrique subsaharienne, l’armée française joue au gendarme en y installant ses bases où des centaines de soldats sont stationnés depuis plusieurs années. Cette présence militaire française n’a fait qu’exacerber le terrorisme islamiste qui continue de faire de nombreuses victimes au Mali, au Niger, au Burkina Faso et ailleurs, sans que l’opération Barkhane, ensablée, ait pu y mettre fin. Bien au contraire. C’est pour cela que l’Algérie a refusé de faire partie du G5 Sahel, défini comme «un cadre de coordination et de suivi de la coopération régionale en matière de politiques de développement et de sécurité», créé en 2014 par la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad sous la férule de la France.
Jusqu’en février 2018, Paris nourrissait encore l’espoir de convaincre l’Algérie d’adhérer à son action dans la région. Le Président français s’était entretenu avec son homologue algérien, entretien téléphonique au cours duquel les deux chefs d’Etat avaient évoqué «les questions régionales et, plus spécifiquement, le Sahel et la Libye», selon ce qu’avait indiqué l’Elysée à l’époque. Tous les analystes s’accordent à dire que rien ne pourra se faire au Sahel comme en Libye sans l’Algérie, compte tenu des difficultés inhérentes à l’équation sahélienne dont le groupe chargé de la résoudre a passé plus de temps à chercher des financements qu’à nettoyer la région infestée de terroristes et autres trafiquants de drogue.
La zone sahélienne, où pullulent désormais tous les résidus des réseaux terroristes, et théâtre où s’opèrent toutes sortes de trafics, est devenue la région la plus dangereuse du continent africain, outre la Libye où la Turquie et les Emirats arabes unis se livrent une guerre par factions et mercenaires interposés. Tant et si bien que l’Algérie ne peut plus laisser faire sans agir sur place.
H. A.
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