Nouvelle Constitution : les trois changements qui réforment le régime
Par Kamel M. – Trois changements fondamentaux apparaissent dans la première mouture de la nouvelle Constitution soumise ce jeudi à l’appréciation et à l’étude des parties concernées aux fins de son enrichissement. Abdelmadjid Tebboune avait mis en avant sa volonté d’abandonner le régime ultra-présidentiel hérité du règne sans partage de son prédécesseur, pour assurer un meilleur équilibre entre les attributions des différentes institutions de la République. Le chef de l’Etat a ciblé trois points essentiels pour ce faire.
Le brouillon de la Constitution amendée élague la législation par ordonnance qui permettait à Abdelaziz Bouteflika de contourner le Parlement pour promulguer des lois à sa guise quand le contexte exigeait qu’il évitât de passer par le pouvoir législatif, l’ordonnance étant une mesure prise dans des matières relevant normalement du domaine de la loi et de la procédure législative déléguée sans prendre toutefois valeur législative.
Dans l’actuelle Constitution, l’article 120 stipule que «pour être adopté, tout projet ou proposition de loi doit faire l’objet d’une délibération successivement par l’Assemblée populaire nationale et par le Conseil de la nation», mais qu’en cas de désaccord et de non-adoption desdits projets de loi «dans le délai imparti, le président de la République promulgue (…) par ordonnance». L’article 124, toujours dans la Constitution en vigueur, confère au président de la République «en cas de vacance du Parlement ou dans les périodes d’intersession de celui-ci le droit de légiférer par ordonnance». Idem en cas d’état d’exception défini à l’article 93. Le Président peut également, selon le texte actuel, dans son article 179, légiférer par ordonnance «à l’issue du mandat de l’instance législative et jusqu’à l’élection de l’Assemblée populaire nationale (…), y compris dans les domaines relevant désormais des lois organiques».
Deuxième changement de taille dans la nouvelle variante, le retour de la fonction de chef du gouvernement en lieu et place du Premier ministre. Par cette mesure, Abdelmadjid Tebboune libère l’Exécutif de l’emprise du chef de l’Etat et permet au chef du gouvernement de mettre en œuvre son propre programme et de nommer ses ministres. Ce qui n’est pas le cas dans la Constitution en cours de révision qui édicte dans son article 79 que «le président de la République nomme les membres du gouvernement après consultation du Premier ministre» et que le Premier ministre «met en œuvre le programme du président de la République et coordonne, à cet effet, l’action du gouvernement». L’article 77 lâche du lest et note, dans ses aliénas 6 et 7, que le président de la République «peut déléguer une partie de ses prérogatives au Premier ministre à l’effet de présider les réunions du gouvernement». Mais, dans les faits, tous les Premiers ministres avaient les mains liées.
Enfin, la nouvelle version supprime le tiers présidentiel au Conseil de la nation qui donnait à Bouteflika la liberté de «caser» ses amis pour «service rendu», ces derniers devant, néanmoins, agir en minorité de blocage en cas d’«indiscipline» d’un des membres de l’alliance présidentielle. Ne voulant sans doute pas chambouler de façon brutale l’ordre établi depuis le court règne de Liamine Zeroual, les rédacteurs du nouveau projet de Loi fondamentale ont maintenu la chambre haute du Parlement bien que de nombreuses voix se soient élevées pour demander sa suppression pure et simple. Le candidat malheureux à la présidentielle du 12 décembre 2019, Ali Benflis, avait, d’ailleurs, promis de supprimer le Sénat s’il était élu.
Le tiers présidentiel est prescrit dans l’article 101, qui stipule que «les membres du Conseil de la nation sont élus pour les deux tiers au suffrage indirect et secret parmi et par les membres des Assemblées populaires communales et de l’Assemblée populaire de wilaya» et qu’«un tiers des membres (…) est désigné par le président de la République parmi les personnalités et compétences nationales dans les domaines scientifique, culturel, professionnel, économique et social».
K. M.
Comment (62)