Journalistes algériens : déshonneur et résignation après leur gloire passée
Par Abdelkader S. – La menace, l’intimidation, l’emprisonnement et l’asservissement ont fini par faire rentrer l’ensemble des médias algériens activant à partir d’Algérie dans les rangs. Presse écrite, chaînes de télévision et sites électroniques s’adonnent à une autocensure qui dénote une victoire des forces antidémocratiques sur ce qui est censé être le quatrième pouvoir. Les lecteurs et les téléspectateurs auront remarqué la propension des médias nationaux à s’intéresser à des sujets complètement éloignés de la politique pour éviter de fâcher les cercles de décision et d’être inquiétés par la justice de la nuit instituée par Belkacem Zeghmati et ceux qui l’ont nommé.
Les colonnes des médias se sont refermées devant l’opposition et les dernières poches de résistance sont tombées. La crise éditoriale provoquée par un article brossant dans le sens du poil signé par le directeur d’El-Watan a révélé la grande fragilité des titres pléthoriques dont la majorité vit de façon parasitaire de la publicité étatique. Ce grand quotidien est au bord de la faillite et sa rédaction s’est vidée, cependant que la direction peine à payer les salaires de ses travailleurs à temps faute de ressources financières, après des années de faste et de suffisance.
Par instinct de survie, les médias tiennent le bâton par le milieu, s’essayant toutefois à quelques piques sporadiques contre des responsables politiques ou des pratiques déviantes, histoire de donner l’impression d’une hypothétique indépendance de la ligne éditoriale et liberté d’opinion, tout en veillant à tracer des lignes rouges bien visibles à ne jamais dépasser. Un chroniqueur d’Echorouk TV vient de l’apprendre à ses dépens. Ses diatribes incendiaires qui le faisaient se sentir intouchable ont fini par lui faire perdre son emploi sur injonction des véritables rédacteurs en chef, tapis dans l’ombre, et qui dirigent l’ensemble des médias derrière le rideau.
Avant lui, le chroniqueur d’El-Khabar subissait le même sort. Ses satires étant devenues incompatibles avec la «conjoncture politique», il a dû fuir la reddition et rallier les maquis de la plume avec tous les risques que cela lui fait encourir.
L’écrasante majorité des journaux électroniques se sont, eux-aussi, soumis au diktat des tenants du pouvoir, dans l’attente haletante de recevoir [enfin] leur part du gâteau une fois que l’Anep «sera adaptée à la nouvelle ère numérique», dixit Larbi Ouanoughi, «conseiller» d’Amar Belhimer, chargé d’agrainer ces médias virtuels domestiqués, pendant que les sites réfractaires, récalcitrants, insubordonnés et désobéissants demeurent censurés.
En attendant des jours meilleurs, les Algériens se contenteront des bulletins météorologiques, du nombre de nouveaux cas de Covid-19, des chorégraphies de Kamel Rezig à Boufarik et des promesses de jours meilleurs avec un salaire de misère augmenté de deux sous. Quant à la gloire passée des journalistes algériens, acquise grâce à leur combat courageux face aux hordes terroristes des GIA et de leur matrice politique, le FIS, elle gît depuis avril 2019 au fond d’une fosse sépulcrale insondable qu’ils ont eux-mêmes creusée.
A. S.
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