Sombre perspective
Par Mrizek Sahraoui – La France est entrée depuis hier dans la phase «déconfinement progressif». Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions, le chemin de l’école ne reprenant que ce mardi. Si la première journée s’est passée sans grand heurts, notamment dans le secteur des transports, la suite des événements est beaucoup plus incertaine. Car ce n’est qu’après quelques jours que l’on saura si véritablement tout a été mis en œuvre pour protéger les écoliers et le personnel éducatif ou s’il s’est simplement agi que d’un vain parlage de circonstance, comme ça été le cas tout au long des longues semaines de confinement.
En tout état de cause, cette séquence, eût-elle réussi ou aurait-elle été un énième échec, selon de nombreux analystes politiques, n’apportera rien de nouveau à ce quinquennat agité, devenu au fil des mois une véritable chronique d’un mandat de désillusions, rythmé par des couacs et des controverses à volonté. Certains éléments laissent tout de même annoncer une sombre perspective pour les deux années qui restent au président Macron à la tête de l’Etat français, qui sort de cette crise sanitaire avec une image totalement écornée, abîmée par une gestion à tâtons de la pandémie dévastatrice.
Ce n’est pas un hasard si, ces derniers jours, la parole présidentielle a inondé l’espace médiatique, intégralement reprise en direct par les journaux télévisés. Emmanuel Macron est partout et parle beaucoup. Il n’a échappé à personne que s’il s’acharne à marteler ses messages, c’est en réalité pour tenter de regagner la confiance des Français érodée par les cafouillages à propos des masques et des respirateurs, et les hésitations dans la réponse appropriée qui devait être apportée aux demandes des médecins et des personnels hospitaliers. Une faute impardonnable lourdement payée en vies humaines qui (lui) coûtera cher, ne serait-ce, disent des élus locaux exaspérés, qu’à l’occasion du second tour des municipales dont la date reste encore à déterminer.
Et ce ne sont pas forcément des élus de l’opposition qui se disent agacés par cette gouvernance jugée problématique à bien des égards. Le navire La République en Marche (LaRem) prend de l’eau de toutes parts. Le risque d’égaillement des troupes est perceptible. A ce propos, un nouveau groupe de députés frondeurs, venus d’horizons différents mais jusqu’ici faisant partie de la majorité, devrait incessamment voir le jour. Un nouveau coup dur inattendu qui, arithmétiquement, ferait perdre la majorité au parti présidentiel.
Du côté de l’opposition, l’heure est au réveil des querelles de chapelles et au déterrement de la hache de guerre. C’est la cheffe du Rassemblement national qui vient de planter la première banderille, accusant sans détour le gouvernement de mentir sur «absolument tout, sans aucune exception». Elle a déclaré compiler «tous les mensonges» du gouvernement afin de le mettre face à ses responsabilités. Traduire, à travers ce «livre noir» sur la gestion de la crise, la responsable du parti d’extrême droite veut indirectement inciter au dépôt de plaintes contre les membres de l’exécutif, des procédures venant s’ajouter aux dizaines de milliers déjà lancées par la société civile.
Ainsi le fugace sceptre de l’originalité, gage d’un monde nouveau à l’effigie de Macron, a fini, impéritie après polémiques et erreurs, par se fracasser contre la dure réalité du pouvoir… qui est en réalité ailleurs : la raison de l’échec de ce quinquennat.
M. S.
Comment (11)