Dos au mur
Par Mrizek Sahraoui – Il a tellement parlé de «construction de mur» – 3,6 milliards de dollars ayant été débloqués pour réaliser le chef-d’œuvre du Président – que c’est une image de Donald Trump dos au mur qui devrait être le frontispice de son programme électoral. Il en fit son slogan totémique lors de sa campagne électorale mais aussi, et surtout, lorsque, nimbé de la triple réputation de protecteur de son pays, d’artisan du retour au plein emploi, l’amenant à 3,6%, soit un record depuis 1969, et de faiseur de miracle économique, il réussit à déconfire tous ses détracteurs, au premier rang desquels figuraient bien sûr les démocrates qui avaient prédit une calamité dans tous les domaines en cas de sa victoire.
Mais les temps ont tout à coup changé, l’Amérique n’étant plus ce qu’elle était, pas si longtemps que cela, tout juste avant l’arrivée du Covid-19 sur le sol américain. Passé maître dans l’art de la fanfaronnade, Donald Trump, le deus ex machina, a néanmoins sous-estimé le virus. Avec près de 84 000 victimes déplorées et 1,4 million, selon le dernier bilan comptabilisé par l’université Johns-Hopkin, les Etats-Unis sont le pays le plus virulemment touché.
Après un «désastre chaotique absolu» de gestion de la pandémie, ces propos sont de Barack Obama, l’ancien président américain, et face à Joe Biden, l’ancien vice-président qui a le soutien de tous les démocrates sans une voix discordante et rassemble au-delà de son camp, jusqu’à tous les déçus du trumpisme, Donald Trump, acculé et n’ayant plus d’arguments, a cherché un bouc émissaire et semble l’avoir trouvé : la Chine qui risque de tomber dans le «piège de Thucydide», a conjecturé la bien-pensance occidentale dès 2019.
A l’évidence, en pointant du doigt la Chine que les Etats-Unis viennent d’accuser de piratage autour de la recherche de traitements et de vaccins, Donald Trump tente de créer une diversion. N’en ayant ni les thématiques sur lesquelles eût-il pu s’appuyer, encore moins une possibilité de duper encore son monde par le biais de son habituelle jactance, il veut en faire le point nodal de sa campagne électorale. C’est tout à fait vrai que pour voter utile, les Américains ont besoin d’un ennemi, fut-il parfois virtuel, l’Irak, l’Afghanistan, la Syrie, dans une moindre mesure, en furent une parfaite illustration. Sauf que cette fois, avec les nouveaux chiffres catastrophiques du chômage – cette double crise sanitaire et économique a détruit plus de 33 millions d’emplois – et le ciel qui gronde sur Wall Street, Donald Trump aurait du mal à convaincre, même s’il croise les doigts d’une main, l’autre dans la poche.
M. S.
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