Non, Monsieur Benzatat, le Hirak n’est pas mort !
Par Dr Abderrahmane Cherfouh – Manifestement, presque toutes les contributions de Youssef Benzatat sont devenues sujet à polémique. Il est l’expert en la matière. Son dernier écrit qu’il a consacré au Hirak en est la parfaite illustration, quand il est allé déterrer une vieille déclaration de Jacques Chirac qui avait dit : «L’Afrique n’est pas mure pour la démocratie». Les Africains, à l’époque, ne l’avaient pas ménagé et les critiques sévères ont fusé de toutes parts à son encontre. Et voilà M. Benzatat qui reprend à son compte cette déclaration en évoquant le Hirak : «La cause de cet échec est manifestement l’immaturité de la population, des élites et de la société civile en général», ce qui a entraîné une cascade de réactions outrées de la part des sympathisants du Hirak.
Cette lecture n’enrichit pas le débat ; elle sème la controverse. Franchement, il est difficile de concevoir que cela émane de quelqu’un qui était un défenseur acharné du Hirak et qui a tourné casaque. Il tire presque une réjouissance en évoquant un Hirak parvenu, d’après lui, au bout de sa course, oubliant que le coronavirus est passé par là et que les citoyens n’attendent que la fin de la pandémie pour aller de nouveau reprendre leur combat et en découdre définitivement avec un pouvoir qui a largement sévi par le passé et qui n’a jamais retenu la leçon retentissante et légendaire que lui a administrée, justement, ce Hirak.
A l’écouter, c’est l’échec et la fin inéluctable de ce mouvement populaire qui a ébranlé tout le système et surpris le monde par son pacifisme et sa détermination. Cinquante-cinq vendredis et autant de mardis de manifestations continues sans aucun incident à signaler. Cela illustre sa grande maturité d’esprit et un sang-froid incroyable face aux provocations du pouvoir qui a tout fait pour mettre de l’huile sur le feu afin de l’emmener à commettre l’irréparable pour lui porter préjudice et justifier la répression. Mais il a tenu bon, malgré toutes les embûches et les obstacles rencontrés sur son parcours. Au contraire, c’est M. Benzatat qui a démontré son immaturité politique en suscitant l’ire des intervenants sur Algeriepatriotique.
A lire M. Benzatat, il n’y a plus aucun espoir pour ce mouvement, à l’avenir. Au lieu de tirer profit des expériences positives que le Hirak a engendrées, il avoue son sentiment d’impuissance généré par un pessimisme flagrant et veut le faire partager au reste de la population. Ce, au moment où pouvoir encourage ces dérives et ces dérapages qui ont pour cible le Hirak et qui favorisent le déploiement d’une nouvelle stratégie qui vise à le diviser en plusieurs courants et en plusieurs idéologies pour le briser. Le problème se trouve évidement dans le fait qu’une petite minorité d’intellectuels qui, au lieu de faire alliance avec le peuple pour restaurer la démocratie, contribuent par leurs écrits à renforcer les thèses de ce pouvoir qui cherchent à fragiliser une partie de la société pour se régénérer et se perpétuer.
N’en déplaise à certains, le Hirak a toujours démontré sa maturité politique depuis le 22 février 2019. Durant ces cinquante-cinq semaines de manifestations, il n’a montré aucune forme de violence, un exploit rarement vu ailleurs. Il a mené sa révolution pacifiquement, suscitant l’admiration du monde entier. Conscient de la dangerosité du coronavirus, il a lui-même mis fin temporairement à la marche du vendredi et du mardi. Tout le monde sait que le Hirak dérange et hante le système. C’est pour cette raison qu’il cherche à le salir, à le diaboliser afin de s’en débarrasser au plus tôt. Mais le Hirak va revenir plus fort et plus motivé que jamais une fois la pandémie disparue.
Le message du Hirak est clair : le lien est rompu et le divorce est prononcé entre le peuple et ceux qui osent nous usurper le pouvoir, ceux qui sont contre notre droit à mettre en place notre propre modèle de gouvernance. Ils n’arrivent pas à accepter et à concevoir qu’il est venu le moment où nous avons tout le droit d’organiser notre propre modèle politique et social à notre manière et selon notre bon-vouloir.
Il faut qu’ils sachent que nous voulons fixer nous-mêmes les termes de notre destin et nous éloigner de ceux qui nous ont trahis, de ceux qui nous ont appauvris, de ceux qui nous ont humiliés, de ceux qui étaient proches du clan. Nous leur disons basta ! Vous avez fait assez de mal à ce pays. Nous ne vous laisserons plus décider à notre place. La liberté à laquelle on tient tant, la liberté que nous avons toujours chérie et dont nous avions fait notre cheval de bataille est devenue dans notre espace politique une autre revendication pour réaffirmer notre droit à l’existence politique. Sachez-le, nous existons et nous ne vous permettrons plus de nous mener droit dans le mur. «L’Algérie nous appartient et nous sommes libres d’assumer notre destin», ont clamé vingt millions d’Algériens imperturbablement lors des cinquante-cinq semaines de manifestations ininterrompues.
A travers notre révolution tranquille, nous chercherons à nous réconcilier avec nous-mêmes. Cette révolution tranquille contribuera à l’avenir à nous rassembler et à nous unir pour une deuxième République, pour une Algérie nouvelle, peu importe notre opinion politique, peu importe notre différence culturelle.
A. C.
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