Pour le rapatriement des ossements de Slimane Azem avec la dépouille d’Idir
Par Mohamed K. – Le décès du chantre de la chanson algérienne d’expression amazighe, Idir, a soulevé la question du rapatriement de sa dépouille enterrée momentanément à Paris en attendant la fin de la crise sanitaire. Mais elle a également soulevé celle du rapatriement des ossements d’un autre grand nom de la chanson kabyle engagée, Slimane Azem, mort en exil le 28 janvier 1983. Des voix s’élèvent, en effet, pour demander que ce grand artiste retrouve enfin sa terre natale et y soit inhumé auprès des siens.
Son neveu, Bruno Azem, a révélé, dans une conférence de presse animée à Paris, il y a quelque temps, que le chanteur proscrit par le régime à l’époque a commencé à être malade dans les années 1980. «Je descendais [à Moissac] pour lui rendre visite. Son état de santé se dégradait de plus en plus. Mon père – c’est très délicat de lui poser cette question – lui a demandé où il voudrait être inhumé s’il lui arrivait malheur. Il a répondu après une longue hésitation – il était indécis, car son pays lui était cher et il l’aimait à en mourir – que, malheureusement, les conditions n’étaient pas réunies en Algérie et que la situation qui y régnait n’était pas ce qu’il aurait souhaité. Donc, la dernière volonté de Slimane Azem – je vous le dis officiellement, parce que c’est la première fois qu’un membre de la famille s’exprime publiquement sur ce point – était qu’il soit enterré dans son lieu de résidence. Nous lui avons posé la question plusieurs fois», a-t-il affirmé.
«Son interdiction entre 1967 et 1988 fut sa plus grande souffrance. Je le voyais triste. Son réconfort était ses admirateurs, ça l’aidait beaucoup. Cette interdiction lui a nui même sur le plan financier car ses œuvres n’étaient pas vendues», avait encore affirmé Bruno Azem, en rappelant les passages d’une discussion à bâtons rompus que le poète natif d’Agouni Gueghrane, dans la wilaya de Tizi Ouzou, avait eue avec des jeunes dans un café en 1975. «Comment pourrais-je rentrer dans mon pays si ma voix y est bannie ? M’y rendre, c’est comme si j’allais en prison. Même si je composais une chanson sur le pain, je serais arrêté», avait répondu Slimane Azem.
Joint par un ministre, dont le neveu n’a pas cité le nom, pour qu’il rentrât au pays où, lui avait-il promis, il serait accueilli avec les honneurs, Slimane Azem a eu cette réponse : «Si vous êtes sincère, commencez par libérer mes chansons !» Slimane Azem a été interdit pendant la guerre des Six Jours, explique son neveu. «Une liste de chanteurs interdits avait été tapée à la machine et un chanteur malveillant a ajouté son nom au stylo, il leur a répondu par la chanson Tlata yeqjan (les trois chiens), car il savait qui avait monté la cabale contre lui», a précisé Bruno Azem.
N’est-il pas temps de réparer cette grave injustice et rendre ce pionnier de la chanson engagée à l’Algérie [mon] beau pays ?
M. K.
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