Affaire du documentaire de France 5 : quand l’APS en fait l’évènement
Par Mounir Serraï – Contrairement à ses habitudes, l’agence officielle APS a été très productive sur le fameux documentaire de France 5, qui a suscité une grosse polémique et, surtout, de vives critiques des militants du mouvement populaire né le 22 février 2019.
En effet, l’agence officielle qui, généralement, ne s’immisce pas dans des polémiques de ce genre, a consacré trois dépêches à ce sujet. La première intitulée «Le documentaire sur le Hirak diffusé par des chaînes françaises largement décrié en Algérie», est consacrée aux réactions de dénonciation et de réprobation sur les réseaux sociaux. Le deuxième sous le titre «Algérie, mon amour, un film ‘’provocateur aux relents de la France nostalgique’’» est un recueil de commentaires d’universitaires et d’experts aux qualificatifs très acérés et puissants, à l’image de celui-ci : «Ces pêcheurs en eaux troubles cherchent à biaiser et à déformer l’image dérangeante de l’Algérie, terre d’islam, de l’intelligence, de la noblesse, de la bravoure et de l’héroïsme».
Cet expert, un certain Chabane Zerrouk, présenté comme cadre supérieur de l’Etat à la retraite, s’attaque aux «gothiques», un mot désignant les peuples germaniques de l’Antiquité et du haut moyen-âge. L’APS donne également la parole à un chercheur qui tire vite une conclusion selon laquelle ce «reportage» – décrié, faut-il le préciser, tout d’abord par les militants du Hirak eux-mêmes, va faire perdre à ce mouvement politique «son caractère pacifiste car des manifestants seront remontés contre d’autres et poussés à la confrontation». Il enchaîne en affirmant que «le timing de la diffusion vise à créer un troisième souffle au mouvement qui ne soit pas pacifique».
Ces deux dépêches, largement reprises par les médias publics et privés, ont été suivies par l’annonce par le ministère des Affaires étrangères de sa décision de rappeler l’ambassadeur d’Algérie en France pour consultations sur le sujet. Y a-t-il une réelle brouille entre Alger et Paris ? On le saura bientôt. Mais il faut tout de même rappeler qu’il y a eu ces derniers jours comme une offensive médiatique contre le Hirak, à travers nos chaînes de télévision publiques, dont les invités, à l’instar de Mohamed Lakhdar Maougal, accusent frontalement le Hirak d’être infiltré. Une accusation déjà portée par de hauts responsables durant les manifestations de 2019. On se souvient d’ailleurs des propos d’un ancien ministre de l’Intérieur du gouvernement Bedoui qui avait accusé le Hirak d’être composé de «pervers», de «traîtres» et d’«homosexuels».
Et bizarrement, le reportage diffusé sur France 5 renvoie bien cette fausse image du mouvement du 22 février qui, faut-il le rappeler, avait ébloui le monde par son pacifisme mais aussi par son sérieux politique et ses revendications foncièrement orientées vers la construction d’un Etat de droit, qui mettrait fin à la gabegie, à l’injustice et qui permettrait au pays d’emprunter le chemin de la démocratie et du progrès.
M. S.
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