Ces faiblesses du pouvoir et du Hirak que le reportage de France 5 a dévoilées
Par Youcef Benzatat – La polémique autour du documentaire Algérie, mon amour, diffusé par la chaîne publique française, France 5, a eu le mérite de dévoiler une fois pour toutes la faiblesse du Hirak et celle du pouvoir algérien. Elle a surtout dévoilé que la conjonction de leurs faiblesses respectives fait courir un très grand danger à la pérennité de la nation en menaçant la paix civile et l’intégrité territoriale nationale.
Le déchaînement de violence qui s’est manifesté sur les réseaux sociaux après la diffusion de ce documentaire entre les adeptes d’une société libérée du bigotisme des mœurs et les conservateurs sans concessions est révélateur d’un clivage dans la société qui s’annonce irréconciliable et sans issue. Un clivage auquel il faudra adjoindre celui qui oppose le tout religieux aux laïcs, les berbérophones aux arabophones et plus particulièrement celui qui oppose les adeptes d’une identité amazighe exclusive à ceux qui s’autoproclament arabes.
Tous ces clivages, qui représentent la réalité de la structure sociale algérienne et qui sont fortement présents au sein du Hirak, tout en étant incontournables pour tout règlement de la crise globale que traverse le pays depuis le 22 février 2019, constituent en même temps un véritable obstacle pour parvenir à un quelconque consensus pour le règlement de cette crise.
Le Hirak étant un mouvement populaire national à caractère révolutionnaire, c’est-à-dire qui entend restituer la souveraineté législatrice au peuple pour accéder au contrôle de l’Etat et de ses institutions, n’est plus en mesure de s’arrêter à mi-chemin car il est porté par une conscience historique qui puise ses racines dans toutes les luttes à différents âges par les différentes générations. Par son caractère révolutionnaire, il met en perspective d’une façon irrémédiable la refondation de la nation comme une nécessité générationnelle paradigmatique qui répond à ses besoins présents.
Le danger vient justement du conflit entre l’impasse à laquelle le Hirak est confronté et la nécessité de la dépasser. Dans ce cas, le statut quo engendré par ce conflit aura pour conséquence un pourrissement de la crise qui ouvrira grandes les portes à des forces intéressées pour pousser ces nombreux clivages structurels, devenus vulnérables, à l’affrontement généralisé entre eux et contre le pouvoir.
Ce documentaire, qui a aussi montré en toute évidence la faiblesse du pouvoir algérien et sa vulnérabilité, a aussi dévoilé en même temps les arrière-pensées néocolonialistes de parties intéressées. A la réaction de protestation du pouvoir algérien contre la mal façon et la mauvaise foi de ce documentaire, ces parties ont opposé la légitimité de la liberté d’expression de leurs médias et de leur indépendance. Cette opposition avait dépassé le cadre national des médias français pour se généraliser à tous les médias des pays partie prenante de l’Otan.
Il ne serait pas utile de rappeler que ces mêmes médias ne s’intéressent nullement à l’émergence de l’Algérie en tant que nation forte et souveraine avec un rôle majeur à jouer dans la région, aussi bien économique que géopolitique. Parce qu’elle n’est considérée pas plus qu’une soupape de sécurité à la crise économique qui frappe la partie du monde à laquelle ils appartiennent depuis la crise financière de 2008. Surtout que le pouvoir algérien se montre ces derniers temps, depuis la chute du clan du président Abdelaziz Bouteflika, de moins en moins flexible aux injonctions de ces parties, aussi bien économiquement que géopolitiquement. Principalement en réorientant ses intérêts économiques vers la Chine, avec ce qui est convenu d’appeler la nouvelle «route de la soie» et en s’engageant par une aide militaire aux pays du Sahel en leur fournissant une aide logistique conséquente.
Ce documentaire, qui résonne comme une provocation et qui s’inscrit dans une stratégie non avouée, faisant partie de beaucoup d’autres provocations médiatiques antérieures, a aussi le mérite de dévoiler la partie visible de l’iceberg de la manipulation et l’instrumentalisation de ces différents clivages qui traversent le Hirak, par le soutien, l’infiltration et l’orientation de ces segments clivants dans la société, par le biais d’ONG et même par des chancelleries directement. Sont sujets à ces dispositions, parfois complices et parfois inconscientes, des militants politiques, associatifs et des réseaux sociaux, financés et sponsorisés dans le but de pousser à l’implosion du Hirak et au pourrissement de la crise.
Ce qui apparaît en toute évidence intéresser ces médias, c’est de souffler sur la braise de la discorde entre les différents clivages qui plombent le Hirak pour pousser au pourrissement de la crise.
Cette justification sournoise de la légitimité de la liberté d’expression et l’indépendance de leurs médias s’avère de toute évidence être la faille par laquelle ils maintiennent la pression sur le pouvoir algérien. C’est là où se situent, d’ailleurs, toute la faiblesse et la vulnérabilité de ce pouvoir, par son illégitimité et son mode de gouvernance, par la répression de toute opposition à son hégémonie. Ce sont là des arguments irréfutables à toute ingérence étrangère dans nos affaires intérieures.
Dans ces conditions, seul un leadership représentatif d’un Hirak désidéologisé et souverain de toute ingérence internationale peut dénouer l’impasse engendrée par ces clivages et permettre l’émergence d’un véritable contre-pouvoir en mesure de négocier une transition politique réussie avec le détenteur de fait du pouvoir. Car un leadership qui serait en mesure de transcender tous les clivages dans la société bénéficierait d’une véritable légitimité.
La légitimité du pouvoir retrouvée, tous ces clivages seront résolus naturellement par la vertu du débat démocratique et le suffrage universel que garantirait un Etat de droit inaliénable. Cette hypothèse de sortie de crise couperait à coup sûr l’herbe sous les pieds de tous ceux qui s’activent dans une course contre la montre pour mettre l’Algérie à feu et à sang pour mieux la dépecer comme c’est le cas de la Libye et de l’Irak.
Y. B.
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