Les derniers jours de Driencourt à la tête de l’ambassade de France en Algérie
Par Abdelkader S. – L’ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, quitte son poste cet été. Le diplomate français partira en laissant derrière lui des relations tumultueuses entre Alger et Paris. Durant son passage dans notre pays, le second, Xavier Driencourt aura assisté à un soulèvement populaire pacifique qui bouleversera toutes les donnes, après que les rapports entre les deux capitales eurent connu un semblant d’accalmie sous le règne de Bouteflika.
Dès la déchéance de l’ancien Président par son chef d’état-major, le général Gaïd-Salah, ce dernier s’est immédiatement attaqué à l’ancienne puissance coloniale accusée de «chercher à déstabiliser l’Algérie». Sans la citer nommément, le vice-ministre de la Défense, qui avait accaparé le pouvoir de fait, avait fait de la France sa cible principale dans l’espoir de gagner la sympathie de la rue qui, pensait-il à tort, allait voir en lui le responsable qui aurait eu le courage et l’audace de débarrasser le pays d’une «néo-colonisation» qui ne dit pas son nom.
Sur ces entrefaites, Xavier Driencourt multipliait ses rencontres avec des journalistes et des animateurs du Hirak réputés proches de l’ambassade de France, parmi lesquels le directeur récemment désigné par Issad Rebrab à la tête de son journal, Liberté, non sans susciter des remous au sein de la rédaction de ce quotidien qui ne s’explique pas ce «curieux choix». Des rencontres entrecoupées par des déclarations favorables au mouvement de contestation populaire qui bénéficiait d’une très large couverture dans l’ensemble des médias français.
Après la chute de Bouteflika, le Hirak était devenu une menace pour Gaïd-Salah qui voulait y mettre fin, les manifestants ayant compris le subterfuge et décelé la volonté du régime de se pérenniser en sacrifiant des fusibles, au premier rang desquels le président de la République, l’ancien patron des services secrets, le général Toufik, son successeur, le général Tartag, et l’aréopage d’hommes d’affaires qui gravitaient autour du cercle présidentiel incarné par le frère cadet de l’ancien chef de l’Etat, Saïd Bouteflika, lui aussi emprisonné.
Le soutien de Xavier Driencourt à la révolte populaire devenait, dès lors, incompatible avec les nouvelles orientations politiques imposées par le commandement de l’armée, et ni l’ambassadeur de France ni les cercles de décision à Alger ne se gênaient plus d’exprimer leur inimitié mutuelle persistante. Dans ces conditions, il était devenu impossible de cohabiter et le départ du diplomate français était souhaité aussi bien par lui-même – il aurait demandé au Quai d’Orsay de le décharger de sa mission à Alger – que par le nouveau pouvoir qui y voit un «élément subversif».
Selon des sources concordantes mais non confirmées, Xavier Driencourt devrait être remplacé par l’actuel ambassadeur de France à Riyad, François Gouyette, qui a fait toute sa carrière diplomatique à l’étranger au Maghreb – Libye et Tunisie – et au Moyen-Orient – Syrie, Emirats arabes unis et Arabie Saoudite.
A. S.
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