Le Syndicat des magistrats : «Le chef de l’Etat ne doit pas présider le Conseil supérieur de la magistrature»
Par Mounir Serraï – Le Syndicat des magistrats, qui a eu à dénoncer à maintes fois ces derniers mois l’immixtion du ministre de la Justice dans des affaires judiciaires, fait une lecture critique de la mouture de la Constitution.
Il réclame une véritable indépendance de la justice à travers, notamment, la réécriture des articles 169 (anciennement 156). L’article 169 tel que figurant dans la mouture stipule que «le pouvoir judiciaire est indépendant. Cette indépendance est garantie par le président de la République. Les juges sont indépendants dans l’exercice de leur compétence». Le Syndicat des magistrats estime qu’il faudra réécrire cet article de la sorte : «Le pouvoir judiciaire est indépendant. La Constitution garantit cette indépendance. Les juges sont indépendants dans l’exercice des compétences qui leur sont confiées par la loi. Le juge est protégé de toutes les formes de pressions, interférences et manœuvres qui nuisent à l’exécution de sa mission ou affectent l’intégrité de son jugement.» Et il demande de préciser dans la Constitution que «toute ingérence dans le fonctionnement du pouvoir judiciaire est interdite».
Le Syndicat des magistrats relève aussi que le préambule de la nouvelle Constitution a négligé de faire référence au pouvoir judiciaire en tant qu’autorité indépendante. «Le terme justice est un terme social, philosophique et théocratique, et son application varie selon la perspective des sociétés. Certains aspects de celui-ci changent selon les idéologies adoptées par les Etats, et il est lié à la mise en place de toutes les autorités de l’Etat», précise le SNM pour lequel «le terme à consacrer est le pouvoir judiciaire, parce que le pouvoir judiciaire exerce des tâches claires, fondées sur la protection des principes de justice consacrés par la loi, et que l’indépendance individuelle du pouvoir judiciaire fait partie des exigences du peuple».
Le Syndicat des magistrats estime également important de supprimer dans l’article 170 de la mouture la référence aux droits fondamentaux afin que la protection des droits de tous, des libertés individuelles aux libertés collectives, en passant par les droits élémentaires. Le SNM veut constitutionnaliser ainsi inamovibilité du juge de siège.
S’agissant de la séparation des pouvoirs, le Syndicat des magistrats propose que le président de la République soit le président d’honneur du Conseil de la magistrature afin que ce dernier puisse jouir de son indépendance. Dans la mouture de la Constitution, il est dit que le président de la République préside le Conseil supérieur de la magistrature, ce qui fait de lui le premier magistrat du pays. Un point qui a été vivement critiqué, notamment au nom de la séparation des pouvoirs.
Le syndicat des magistrats argue que «le président de la République, garant de l’équilibre entre les trois autorités constitutionnelles connues du commun des mortels (le premier juge du pays), exige la subordination de la présidence d’honneur du Conseil supérieur de la magistrature comme soutien moral aux juges». Car, considère-t-il, «le principe constitutionnel de l’indépendance du pouvoir judiciaire repose sur le fait que le président du Conseil supérieur de la magistrature est élu par tous les juges de la République et qu’il choisit à son tour un ou deux députés parmi les membres élus pour l’assister, car la présidence du président du Conseil supérieur de la magistrature porte atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire, d’autant plus que le président de la République a exprimé dans ses différentes interventions le souhait de ne pas présider le Conseil suprême de la magistrature pour rester garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire».
Aussi, poursuit le Syndicat des magistrats, «la proposition d’abandonner les membres nommés par les chefs de l’Assemblée populaire nationale et de l’Assemblée nationale n’est pas une exclusion de l’autre mais plutôt un souci d’assurer la complémentarité entre les trois pouvoirs afin de réaliser la croissance et l’unité du pays».
M. S.
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