Qu’est-ce qui a fait sortir l’ambassadeur des Etats-Unis de son «hibernation» ?
Par Abdelkader S. – L’ambassadeur des Etats-Unis à Alger avait disparu des radars depuis de longs mois. Connu pour son «hyperactivité» avant le déclenchement du Hirak le 22 février 2019, John Desrocher s’est distingué par ses villégiatures à travers tout le pays accompagné de son épouse qui a même assisté à un match au stade du 5-Juillet en tant que seule femme au milieu de quelque 70 000 supporters des deux clubs phares de la capitale, l’USMA et le MCA.
Le diplomate américain a demandé une audience au président Abdelmadjid Tebboune, sur fond de détérioration de la situation en Libye, de crise économique grave dans le pays, de crise sanitaire mondiale, de nouvelle brouille – passagère – avec la France et de graves émeutes aux Etats-Unis qui en ont provoqué d’autres dans plusieurs capitales occidentales. Desrocher et Tebboune ont-ils abordé tous ces problèmes qui secouent le monde ou a-t-il été principalement question de la situation qui prévaut en Algérie ?
On n’en saura rien, au vu des communiqués laconiques auxquels les institutions de l’Etat ont habitué l’opinion publique et les médias obligés de se perdre en conjectures pour tenter de démêler l’écheveau et de deviner ce que la communication officielle ne révèle pas. Car il est peu probable que l’ambassadeur de la première puissance mondiale ait demandé à voir le chef de l’Etat pour une simple visite de courtoisie. La situation est trop sérieuse pour que Washington charge son ambassadeur dans le pays pivot du Maghreb de «prendre des nouvelles» du Président.
Le contexte en Algérie est complexe. La mèche du soulèvement populaire pacifique, loin d’être éteinte, risque de se rallumer dans peu de temps, au vu des manifestations qui ont déjà commencé dans certaines régions du pays où les manifestants bravent les interdits et défient l’Etat, dans la perspective d’une généralisation de la reprise du Hirak dans les jours et les semaines à venir. Jusque-là pacifique, de nombreux observateurs craignent cependant que des débordements émaillent la reprise des marches, d’autant que les arrestations de militants du Hirak se sont multipliées en pleines mesures de confinement dont le prolongement est interprété par les citoyens comme une «fuite en avant du pouvoir» qui, «de toute façon, ne fait que retarder l’échéance d’un redémarrage en force de la contestation politique à laquelle s’ajoutera une forte revendication sociale».
Dans le monde, le dossier libyen inquiète au plus haut point l’ensemble des pays de la région, notamment l’Algérie, la Tunisie et l’Egypte, trois Etats limitrophes directement impactés par la guerre civile qui fait rage dans l’ancienne Jamahiriya. La dernière réunion organisée au Caire, les mouvements de troupes signalés en Egypte à la frontière avec la Libye et l’ingérence directe d’Ankara dans le conflit présagent une escalade qui risque d’obliger l’armée algérienne à intervenir au-delà des frontières pour la première fois dans l’histoire de l’Algérie postindépendance. Le communiqué du ministère des Affaires étrangères au lendemain de la rencontre entre le président du Parlement libyen, Aguila Salah, et le chef de l’Armée nationale libyenne (ANL), Khalifa Haftar, laisse entendre, en effet, que l’Algérie demeure à l’affût de la moindre évolution en Libye et qu’elle ne se contenterait plus de suivre les événements de loin.
Quelle est la position de Washington par rapport à cette nouvelle approche plus offensive d’Alger au sujet de la question libyenne ? Le communiqué de la présidence de la République n’en dit rien. Nous le saurons sans doute du côté américain.
A. S.
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