Vent de révolte
Par Mrizek Sahraoui – La vidéo du policier américain, le genou écrasant le cou de George Floyd, un Afro-américain mort de son arrestation, tué par un policier blanc, le 25 mai dernier, cette image allégorique de la barbarie a provoqué une onde de choc telle, même en France, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer le racisme et les violences policières. Bravant l’interdiction des rassemblements par temps de pandémie et brandissant l’étendard de la résistance contre l’injustice, des collectifs antiracistes ont organisé de nombreuses manifestations dans différentes grandes villes françaises.
Après la marche du 2 juin qui avait rassemblé plus de 20 000 personnes, le Comité pour Adama Traoré, un jeune mort dans les locaux de la gendarmerie d’une petite ville du Val-d’Oise, le 19 juillet 2016, appelle à une «grande manifestation» le 13 juin prochain à Paris, en coordination avec «d’autres collectifs de familles de victimes» de violences policières.
Bien que la situation de ces derniers jours ait été très critique, la polémique sur les accusations de violences et de racisme visant la police et la gendarmerie ait pris des proportions laissant craindre que le vent de la révolte souffle, le chef de l’Etat a préféré rester en retrait. Macron a gardé le silence en attendant que la tempête passe et la tension décroisse. Et c’est, finalement, le dimanche 14 juin prochain que ce dernier s’adressera aux Français, a indiqué l’Elysée, ce mercredi.
Emmanuel Macron a bien compris, d’après les analystes, que, cette fois, le peuple n’occupe pas la rue simplement pour se doloser. Afin de se préserver, le Président n’a pas eu d’autre choix que de laisser le Premier ministre, qui a mis en garde contre le risque de «basculement de la République», et le ministre de l’Intérieur jouer les équilibristes, tous deux pris en tenailles entre le nécessaire «soutien aux forces de l’ordre» et l’«exigence» d’apporter des réponses aux cas avérés de discrimination, de racisme et de violences policières. Ce semblant devoir de vérité tend, non pas à trouver une solution pérenne, mais à éviter que la révolte s’étende davantage et viendrait se greffer au mécontentement général, fruit d’une moitié d’un quinquennat cauchemardesque pour Macron comme pour le peuple français.
Toute parole venant de la part du Président, quoi qu’il eût dit, aurait été mal interprétée et, sans doute, aurait porté à conséquence. Soit il soutient les policiers, auquel cas, il n’aurait fait qu’amplifier la colère qui gronde, déjà grandissante à la suite de la gestion de la pandémie, jugée chaotique. Ou bien il se prononce en faveur de ceux qui dénoncent les bavures policières, et il eût eu toutes les forces de l’ordre sur le dos, très remontées, elles, après qu’elles sont mises à l’index.
«Macron et Castaner (ministre de l’Intérieur, ndlr) lâchent la Police et la Gendarmerie», a pilonné le parti d’extrême droite, fidèle soutien des policiers, même si un ou plusieurs collègues se rendent coupables de bavures ou d’abus et d’actes délictueux.
A un nationaliste venu lui rendre visite dans les années 1880, Ernest Renan, écrivain, philologue, philosophe et historien français, eût dit à cette époque déjà : «Jeune homme, la France se meurt ; ne troublez pas son agonie.»
M. S.
Comment (6)