Une source italienne : Washington veut ouvrir une base militaire en Tunisie
De Rome, Mourad R. – Les Etats-Unis, qui possèdent déjà de nombreuses bases militaires en Méditerranée, ont participé de manière décisive en 2011 à la guerre en Libye avec un objectif, un seul : renverser le gouvernement de l’époque et favoriser l’émergence d’un Etat fédéral, morcelé et faible, subissant l’influence occidentale. Le chaos qui y a régné ces dernières années a contrarié quelque peu cette perspective, laissant le champ libre à de nouveaux acteurs, Turquie et Russie en tête, tandis que Français, Italiens, Britanniques, Allemands, Emiratis et d’autres se neutralisaient mutuellement, sur le volet des richesses à se partager.
Or, si Washington, au-delà des déclarations de façade, peut s’accommoder du forcing d’Ankara en Tripolitaine, de par son statut de membre important de l’Alliance atlantique, elle reste cependant fermement opposée à la mainmise de la Russie en Cyrénaïque, qui offrirait à terme à Moscou une seconde base militaire en Méditerranée, après celle de Hmimid en Syrie. D’où une intense action de persuasion en faveur de la Tunisie et un intérêt croissant pour l’installation d’une base militaire dans ce pays, de par sa position géographique, au centre de la région, à quelques kilomètres de l’Europe et de la Libye.
Certes, Tunis et Washington ont mis en place ces dernières années un programme de relations dans le domaine de la sécurité stratégique, que confirme la participation de la Tunisie à de nombreuses missions et exercices et notamment African Lion, Flintlock et Phoenix Express. Des manœuvres conjointes et une coopération qui semblent ne plus suffire aux experts du Pentagone, obligés de réaffirmer l’excellence des relations avec Tunis, de crainte que la posture du nouveau président, Kaïs Saïed, élu sur un discours souverainiste, ne vienne freiner les plans de Washington, objet de commentaires récurrents de la part du secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, et qui, d’ailleurs, ont déjà déclenché un vif débat au sein de la classe politique tunisienne.
De fait, nombre de partis locaux ont exigé la publication intégrale du récent accord entre Africom et la Tunisie, paraphé la semaine dernière, mais aussi que le pays ne devienne, en aucun cas et sous aucune forme, une base pour d’éventuelles interventions de guerre, prenant pour cible des pays voisins. La partie américaine s’est voulue rassurante en soulignant que la conversation téléphonique entre le ministre de la Défense, Imed Hazgui, et le commandant d’Africom, le général Stephen J. Townsend, ne portait que sur l’envoi d’une équipe d’instructeurs pour l’entraînement de l’armée tunisienne, dans le cadre du programme de coopération entre les deux pays.
Mais un expert italien, au fait du dossier, est d’avis que la Tunisie est pressentie pour un rôle opérationnel, qui aura un objectif de dissuasion vis-à-vis de la Russie et qui faciliterait une plus grande implication américaine dans la région, surtout au vu de ses revers répétés en Syrie et des difficultés de ses affidés kurdes. Un intérêt américain, nous dit-on, qui s’accommoderait, le cas échéant, du plan onusien d’un côté et de la présence militaire turque de l’autre. Ce «débarquement» en Tunisie ouvrant de précieuses perspectives de contrôle tant en Méditerranée qu’en Afrique, sans oublier la poudrière du Sahel et la guerre du gaz que se livrent plusieurs pays dans cette même région.
M. R.
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