Quand la Guerre d’Algérie s’invite dans les manifestations contre le racisme
Par Kamel M. – L’Algérie s’est retrouvée bien malgré elle «impliquée» dans les manifestations et la polémique nées de l’affaire George Floyd, cet Afro-américain mort suite à son interpellation musclée par un policier blanc. L’onde de choc de cette grave bavure a dépassé les frontières américaines et ravivé les vieux souvenirs des traites négrières et des crimes coloniaux.
En France, l’extrême-droite s’agite et craint que les symboles du passé colonial de l’empire bonapartiste subissent le même sort qu’en Grande-Bretagne et en Belgique, entre autres, où des statues de personnages ayant marqué l’histoire par leur politique raciste et esclavagiste ont été traînées dans la boue et jetées aux orties par des manifestants qui ne veulent plus voir ces figures trôner comme des fantômes d’un passé infâme au cœur de leurs villes et à l’entrée d’institutions censées représenter la démocratie et la justice. Le nom de l’Emir Abdelkader est évoqué par les identitaires qui disent craindre que la statue du résistant algérien remplace celle de quelque généralissime français ayant conduit une «glorieuse expédition» en Algérie.
Dans le même temps, la demande de déboulonnement des statues et de retrait des plaques en l’honneur du maréchal Bugeaud et de revenir sur les non-dits du passé colonial français ressurgissent de plus belle. L’ancien gouverneur général de l’Algérie au début de la colonisation est qualifié en France même de «grosse crapule», de «boucher en uniforme», et «criminel de guerre qui ne mérite ni statue ni rue à son nom en France». Il fut le responsable de toutes sortes de crimes contre l’humanité : massacres, déportations de populations, enlèvement de femmes et d’enfants utilisés comme otages. Le terme «enfumades» lui est systématiquement associé, et la politique de la terre brûlée qu’il a décidée et mise en œuvre a eu, aux dires des historiens français, «des effets dévastateurs sur les équilibres socioéconomiques et alimentaires du pays».
Avec un tel palmarès macabre qui déshonore la France, il est parfaitement compréhensible que des Français veuillent déboulonner le maréchal Bugeaud, symbole de la barbarie coloniale en Algérie. L’académicien français Olivier Le Cour Grandmaison considérait, dans une tribune parue dans Mediapart en 2017, que Bugeaud «est une insulte permanente aux Algériens». L’auteur de L’Empire des hygiénistes, vivre aux colonies, paru en 2014, estimait qu’il ne suffisait pas de supprimer les statues de ce général sanguinaire : «Si scandale il y a, il n’est pas dans le fait d’exiger que ses statues disparaissent et que son nom soit effacé de l’avenue parisienne qui l’honore encore, mais dans l’existence même de ces hommages toujours rendus au bâtisseur sanglant de la France coloniale.»
K. M.
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