Le blocage des équipements dans les ports provoque la grogne des industriels
Par Mohamed Sayoud(*) – Les ports de commerce algériens sont pris dans un paradoxe important de leur développement à cause de la surfacturation, un fléau qui noircit l’économie algérienne. Ces modes de transfert illicite dans le commerce courant ne sont pas anecdotiques et coûtent très cher à l’économie du pays en termes financiers bruts, mais aussi parce qu’ils renvoient une image particulièrement peu attrayante du pays pour les investisseurs.
Des investisseurs algériens ont exprimé leurs craintes et inquiétudes quant à leurs équipements bloqués dans les ports. La principale cause de cette situation est la surfacturation et parfois pour une pièce manquante ou un peu de rouille. Un problème qui mine l’économie nationale, mais que certains industriels, tout en reconnaissant l’existence de cette pratique frauduleuse, soulignent tout de même que les équipements importés l’ont été avec leurs propres moyens.
Ceux-ci mettent en avant le fait que le gel de ces équipements risque de nuire à leurs activités et que cela engendrerait des dommages irréparables, à commencer par d’importantes pertes d’exploitation, de blocage de leur argent et de non création d’emplois.
Pour ces industriels, des projets (équipements payés en centaine de millions de dollars) gelés et bloqués aux ports depuis une à plusieurs années pour cause de surfacturation, d’après les déclarations de la Douane, ce qui, notent-ils, est une perte sèche pour le pays et nos réserves de change car ces équipements sont déjà payés. Il faut donc les faire sortir rapidement car ils rouillent dans les ports et, même s’il y a vraiment des surfacturations, il faut permettre leur exploitation pour créer des usines de production, des emplois et la richesse tout en laissant la justice trancher dans ces affaires.
De quel droit la Douane bloque-t-elle les machines de production jusqu’à ce qu’elles soient envahies par la rouille dans les ports, alors que les douaniers connaissent les procédures ? Ces derniers sont aussi des Algériens et doivent encourager et faciliter la tâche aux investisseurs et ne doivent pas les entraver. Certes, les services des Douanes doivent faire leur travail en signalant les contrevenants à la justice qui est habilitée à appliquer la loi, mais un douanier ne doit pas faire le travail du juge.
Tant qu’il y a la vente illicite des devises au marché noir, qui génère 50% de bénéfices par rapport au taux de change bancaire, ce fléau de surfacturation ne s’arrêtera pas et tout le monde le sait.
Les services compétents doivent au préalable vérifier les factures avant le paiement et l’envoi des conteneurs de l’étranger car, pour un conteneur bloqué, il faut compter des surestaries de 150 dollars par jour, ce qui grève lourdement la trésorerie et freine les investissements. En Allemagne, en Chine, en France, en Turquie, etc., un conteneur sort du port en un à trois jours. On doit voir la faille qui nuit à l’économie algérienne et au pouvoir d’achat, et rompre cette bureaucratie de l’ancien système qui a encouragé le bakchich.
Cette image de désordre et de pays de Cocagne pour l’enrichissement sans cause est accentuée par les surcoûts anormaux enregistrés dans l’acquisition des équipements, machines, lignes de production, intrants, matières premières et tout ce qui n’est pas taxable par la Douane ou soumis à une taxe mineure de 5% sur les prestations pour les études de marché, les salaires des étrangers et divers autres domaines qui génère la surfacturation, le transfert illicite des devises, etc.
La lutte contre cette pratique est rendue particulièrement difficile par la désorganisation du marché national, tous secteurs confondus, et la prévalence de l’informel dans les échanges de biens et de services.
A l’évidence, les services des Douanes et les services fiscaux ne peuvent à eux seuls et quelle que soit leur volonté, réduire ce fléau. Avec l’évasion fiscale, la facturation commerciale frauduleuse est une pratique installée dans les mœurs de trop nombreux opérateurs, pas seulement nationaux.
Il faut commencer par revoir les modalités de détermination des tarifs applicables aux ports secs, actuellement sept fois supérieurs à ceux pratiqués dans les ports humides, ce qui cause de grandes pertes au Trésor public. Des procédés administratifs et bureaucratiques qui bloquent les investisseurs. Aussi on se pose la question suivante : de quel droit bloque-t-on les conteneurs et empêche-t-on ces entrepreneurs de faire sortir leurs équipements ?
Afin de créer les emplois et la richesse et pour aller vers une croissance économique, une excellente décision a été prise par l’Etat en ce qui concerne l’importation des machines et lignes de production rénovées à des prix accessibles et rentables dans l’immédiat et aussi plus de rigueur pour réduire les importations pour préserver les réserves de change.
La règle 51/49 a été abolie mais ce n’est pas assez car l’étranger ne veut pas perdre de temps, vu que ce n’est pas dans sa culture. Pour réaliser un projet d’investissement productif, les étrangers accordent beaucoup d’importance au facteur temps et c’est ce qui fait leur réussite.
Accompagné de la décision de l’Etat concernant la fermeture des ports secs non autorisés, avec une révision totale du système en vigueur qui ne provoque que des pertes à l’économie algérienne en milliards de dollars, cela va permettre la réalisation d’économies en devises, la fin de la surfacturation, la consolidation de l’économie nationale et la réduction de la dépendance envers les pays étrangers.
Ces actions encouragent beaucoup d’investisseurs étrangers à investir en Algérie, ce qui va améliorer nettement le climat des affaires. Ce que le gouvernement a déjà entrepris est très encourageant. Avec une stratégie industrielle claire et précise, l’Algérie est un marché intéressant et va le devenir encore plus, surtout avec les accords du libre-échange entre pays africains.
Des sujets que j’ai maintes fois évoqués lors de mes interventions dans les médias pour booster, encourager et faciliter l’investissement productif en Algérie, d’autant plus que notre pays est un marché très attractif. Mais, pour relancer notre économie, il va falloir travailler dur, sans oublier d’appliquer les réformes nécessaires à l’investissement et de prendre en considération le facteur temps.
L’Etat a bien fait de libérer l’importation des équipements et machines de production d’occasion et de fermer divers ports secs. Ce qui va permettre d’économiser plusieurs milliards de dollars, en espérant qu’il va aussi opter pour la construction de zones industrielles clé-en-main dotés de hangars prêts à la location, afin que l’investisseur n’ait qu’à placer ses machines ou lignes de production et à commencer la fabrication pour créer rapidement des postes d’emplois et la richesse, et pour que notre pays puisse aller rapidement vers une croissance économique.
Actuellement, le système d’investissement via le bureau du Calpiref est totalement obsolète et a fait perdre beaucoup de temps et d’agent à notre pays, sans qu’aucun développement économique n’ait été réalisé. L’acte d’investir dit être libéré en facilitant et en encourageant les investisseurs à réaliser leurs projets sans trop de paperasse et d’attentes interminables.
L’unique solution pour booster l’investissement productif, passer à une vitesse supérieure et aller rapidement vers l’émergence économique, c’est de faire comme tous les pays qui ont opté pour la construction de zones industrielles clé-en-main. Dans le cas de l’Algérie, l’Etat peut dégager 2 à 3 milliards de dollars pour la construction de ces zones d’activité pour générer une plus-value dans la location. Les promoteurs immobiliers privés, algériens ou étrangers, peuvent logiquement aussi construire des zones et de parcs industriels dotés de hangars, avec leurs propres moyens et les louer ou les vendre aux investisseurs algériens et étrangers à des prix raisonnables, selon un cahier des charges, ce qui va créer une synergie pour le développement économique de notre pays.
Par ailleurs, et afin de relancer notre économie fragilisée par la pandémie du Covid-19 et la chute brutale des prix du pétrole, il faudra appliquer les réformes nécessaires à l’investissement sans perdre de temps.
M. S.
(*) Consultant international en investissement industriel
www.investdesign.fr
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