Les quatre questions que le général Saïd Chengriha discutera avec les Russes
Par Abdelkader S. – Quatre points essentiels seront discutés durant la visite officielle que le chef d’état-major par intérim de l’ANP effectue à Moscou. Des événements dans plusieurs régions du monde où la Russie et l’Algérie partagent les mêmes points de vue seront abordés lors des entretiens que le général Saïd Chengriha aura avec ses homologues russes. Le patron de l’armée sera certainement accompagné par une forte délégation, dont notamment le premier responsable de la Direction de la documentation et de la sécurité extérieure (DDSE, renseignement extérieur) et le directeur du matériel au ministère de la Défense nationale.
Premier sujet à l’ordre du jour, la situation explosive en Libye. La visite de Chengriha intervient, en effet, au lendemain de deux déclarations importantes qui augurent une escalade dangereuse dans ce pays limitrophe et d’une manœuvre militaire d’envergure effectuée par l’armée algérienne en guise de nouvelle mise en garde aux puissances qui se livrent une guerre par procuration chez nos voisins du sud-est. Le Président égyptien a laissé entendre, dans un récent discours, que l’armée égyptienne s’apprêtait à intervenir directement en Libye au cas où les «milices et les mercenaires déployés par la Turquie n’arrêtaient pas leur progression». Abdelfattah Al-Sissi a affirmé que l’ingérence turque conférait à son pays la «légitimité» qui «autorise» désormais l’Egypte à envoyer des troupes sur le sol libyen. De son côté, le Président français a lancé, ce lundi, un avertissement à Ankara suite à une provocation de la marine turque qui a ciblé un navire de guerre français. Emmanuel Macron a considéré que ce casus belli d’un membre de l’Otan contre un autre membre de l’Alliance atlantique signait la mise à mort de cette dernière.
On voit que le brasier libyen est en passe de provoquer un conflit généralisé qui risque d’engager plusieurs armées étrangères au plus près de nos frontières. L’Algérie, qui se tient à équidistance des frères-ennemis libyens, ne veut pas se laisser déborder par une guerre qui implique des Etats attirés par les gigantesques richesses souterraines de la Libye, au point de faire peser sur toute la région une menace de «syrianisation» avec son lot de réfugiés, de destructions, de morts et d’ingérences étrangères multiples.
Au Sahel, la France conduit une coalition de pays africains en appui à son opération Barkhane, dont même les plus hauts responsables français admettent que son succès est mitigé. Récemment, la ministre française des Armées a affirmé que l’Algérie était appelée à jouer un rôle «plus important» dans cette zone infestée par les groupes islamistes armés, acculés par les forces de sécurité en Algérie à replier vers le vaste Nord-Mali et les déserts du Sud-Ouest libyen et du Nord-Ouest nigérien où des actions terroristes sont enregistrées de façon sporadique. Paris a réussi à convaincre onze pays de l’Union européenne à envoyer des soldats dans la région pour participer à une opération Barkhane bis élargie. Une présence qui ne peut laisser indifférents deux acteurs majeurs : l’Algérie en tant que pays frontalier et fer de lance de la lutte antiterroriste dans la région, et la Russie, puissance miliaire mondiale qui compte des intérêts stratégiques sur le continent africain et en Afrique du Nord.
La situation en Algérie ne sera pas en reste. La crise politique qui perdure depuis le déclenchement du mouvement de contestation populaire, en février 2019, a donné lieu à des craintes relatives à des tentatives de déstabilisation menées par des officines secrètes. Une Algérie fragilisée pourrait aiguiser les appétits des puissances étrangères qui ont mis un pied en Libye et ne désespèrent pas de pouvoir poser le second en Algérie, à la faveur des difficultés que le pays traverse actuellement, aggravées par la chute vertigineuse des cours des hydrocarbures et la détérioration du climat des affaires.
Enfin, l’armée algérienne, poursuivant son programme de modernisation et contrainte de s’équiper pour faire face à des menaces de plus en plus tangibles sur la sécurité et la stabilité du pays, des discussions autour de l’acquisition de nouveaux systèmes de défense seront à l’ordre du jour, notamment le possible renforcement de la flotte aérienne par le tout dernier Soukhoï Su-57, un avion de combat que Moscou n’hésitera pas à fournir en exclusivité à son allié historique de sorte à lui permettre d’asseoir sa supériorité aérienne dans tout le Bassin méditerranéen.
A. S.
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