Quand le frère d’Ouyahia remettait à sa place un journaliste flatteur du FIS
Par Houari A. – Il y a un an, sur le plateau de la chaîne El-Bilad TV, le défunt Laïfa Ouyahia remettait à sa place un journaliste arabisant connu pour être le porte-voix des islamo-conservateurs qui débitait des mensonges sur l’ancien Premier ministre en tirant une rafale sur l’ambulance. Le Hirak venait d’éclater et Ahmed Ouyahia avait un genou à terre. Le journaliste, qui officiait à Echorouk avant de créer son propre journal de même obédience, qualifiait l’ex-directeur de cabinet de Bouteflika d’homme «incolore, inodore, insipide», «versatile», «sans principes», «corvéable à merci», «opportuniste» et «à la solde des éradicateurs». Selon lui, il aurait été présenté à Liamine Zeroual par l’ancien commandant de la première Région militaire, Fodil Cherif.
Ecoutant le «procureur» prononcer son réquisitoire sans s’emporter ni s’en émouvoir, habitué qu’il est à plaider à la barre, le défunt Laïfa Ouyahia a retracé le parcours de son frère en corrigeant son diffamateur mal informé. «J’aimerais corriger deux points. Ahmed Ouyahia n’est pas resté trente ans à la présidence de la République comme votre invité vient d’alléguer. II était au ministère des Affaires étrangères de 1981 à 1993. Et d’une. De deux, ce n’est pas lui qui s’est présenté à Liamine Zeroual, car avant que Zeroual arrive au pouvoir, Ahmed Ouyahia était déjà, en 1993, secrétaire d’Etat aux Affaires maghrébines, poste auquel il fut désigné après avoir été ambassadeur au Mali où il venait de régler le problème de l’Azawad», a rappelé Maître Laïfa Ouyahia, décédé ce lundi d’une crise cardiaque due à un surmenage.
Répondant au point relatif à la personnalité de son frère, l’avocat, qui a soutenu le Hirak et s’est opposé au cinquième mandat, allant jusqu’à inviter Ahmed Ouyahia à se retirer définitivement de la politique «parce qu’il a fait son temps» et «qu’il devait lâcher le pouvoir et remettre le flambeau», a invité ses détracteurs à «revenir au contexte» et à juger la personne de façon objective. «Il faut admettre, pour l’historique, que durant la période où il a été nommé secrétaire d’Etat, puis directeur de cabinet du président Zeroual avant d’occuper le poste de chef du gouvernement, le moindre fonctionnaire avait peur de décliner sa fonction [à cause du terrorisme], les gens avaient peur d’affronter», a dit Laïfa Ouyahia en soulignant qu’il ne cherchait pas à défendre son frère mais qu’il y avait des faits qui ne devaient pas être occultés.
«Quand il fut nommé secrétaire d’Etat en 1993, il avait 41 ans, il était le plus jeune ministre à l’époque. A 42 ans, il fut chargé de diriger le cabinet du président de la République. A 43 ans, il était désigné à la tête de l’Exécutif. Si échec il y a eu durant les 26 ans durant lesquels il a occupé des postes de responsabilité, cet échec, c’est tout le système qui doit l’assumer et mon frère en porte évidemment une partie», a argué Laïfa Ouyahia qui saluait, dans le même temps, l’éveil du peuple qui a décidé d’occuper la rue pour exiger le changement de régime et rappelait qu’il avait, dès 2012, indiqué que le système avait échoué.
Au moment de l’interview, Ahmed Ouyahia, dont les citoyens réclamaient le départ, n’était déjà plus au pouvoir.
H. A.
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