Que cache la mise en demeure du ministère de l’Intérieur au RCD ?
Par Mounir Serraï – Une mise en demeure adressée par le ministère de l’Intérieur le 23 juin au Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) provoque des inquiétudes au sein de l’opposition. Le RCD, dirigé par Mohcine Belabbès et faisant partie du Pacte de l’alternative démocratique, a vivement réagi à cette mise en demeure qu’il qualifie d’une injonction, le sommant de renoncer à son activité politique sous peine d’engager une procédure de dissolution à son encontre.
Pour ce parti, qui se sent sérieusement menacé dans son existence, ce courrier, qui «liste une série de supputations évasives sans aucune précision sur les faits, dates, lieux», constitue une violation de la Constitution en vigueur et des lois qui garantissent l’exercice des activités politiques et partisanes pour tout parti légal.
Le RCD, résolument engagé dans «le changement radical du système politique» et rejetant «la feuille de route du pouvoir en place dont celle de la révision de la Constitution», considère qu’un parti ne se réduit pas à un agrément ou à des locaux. «C’est d’abord un courant de pensée, une histoire dans le combat démocratique et un idéal de société partagé par des milliers d’Algériennes et d’Algériens», ajoute-t-il. Il dénonce ainsi ce qu’il qualifie de «répression politique», de «remise en cause du multipartisme».
Mais que cache cette mise en demeure ? Pour de nombreux militants politiques qui s’expriment sur les réseaux sociaux, cela n’augure rien de bon pour l’opposition qui continue à militer pour un changement radical et qui refuse de reconnaître le pouvoir issu de la dernière élection présidentielle du 12 décembre dernier.
Ils s’attendent ainsi à des moments très difficiles pour tous les militants qui aspirent à un véritable changement. «C’est la dictature rampante. Ils musèlent l’espace public, les réseaux sociaux, la parole et l’opinion libres, maintenant ils veulent les sièges des partis et de la société civile», dénonce Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne des droits de l’Homme.
«Cette mise en demeure adressée au RCD ressemble beaucoup à un réquisitoire d’un procureur qu’à une correspondance administrative. Ces accusations sont en violation de la Constitution qui donne le droit aux partis politiques d’exercer librement leurs activités. Il n’y a que la justice qui pourrait juger si un parti est coupable d’avoir organisé une activité portant atteinte à l’unité nationale ou à l’intérêt public», écrit Rachid Chaïbi, militant et ancien secrétaire national au FFS.
«Le Pacte de l’alternative démocratique (PAD) est sur la table de tous les clans du pouvoir en place : tentatives pour neutraliser le FFS, emprisonnement du SG du PT, dénigrement du MDS, attaques perpétrées contre l’UCP, kidnapping des membres du RAJ et menaces de dissolution du RCD», dénonce Ramtane Youssef Taazibt, député démissionnaire du PT et membre actif du PAD.
Ainsi, la crainte de la fermeture de tous les espaces d’expression libre et l’interdiction de toute initiative d’opposants au pouvoir est réelle.
Le pouvoir, qui arrête à tours de bras les militants du Hirak et qui n’a pas hésité à réprimer les marches de vendredi dernier dans plusieurs du pays, œuvre à pacifier tous les espaces politiques afin de créer un contexte lui permettant de faire passer son projet constitutionnel sans couacs. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le FLN et le RND sont remis en selle.
M. S.
Comment (52)