Projet de barrage : vives tensions entre l’Ethiopie, l’Egypte et le Soudan
Une visioconférence publique du Conseil de sécurité de l’ONU sur le conflit entre l’Ethiopie, l’Egypte et le Soudan autour de la mise en eau du grand barrage de la renaissance (GERD) de l’Ethiopie sur le Nil est prévue aujourd’hui. Trois jours avant, une réunion similaire de l’Union africaine qui a appelé les trois parties au dialogue.
«Un accord final légalement contraignant et visant à prévenir toute action unilatérale, y compris la mise en eau du barrage, va être envoyé au Conseil de sécurité des Nations Unies afin qu’il y soit examiné lors de sa réunion de lundi sur la question du Grand barrage de la renaissance», a indiqué la présidence égyptienne.
Le Premier ministre soudanais, Abdalla Hamdok, a pour sa part déclaré dans un communiqué qu’il avait été «convenu que la mise en eau du barrage serait reportée jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé». Ses services ont indiqué que des commissions techniques des trois pays allaient mettre sur pied un accord dans les deux semaines. L’Union européenne a récemment proposé d’agir en tant que médiateur et les Etats-Unis ont averti qu’il était impératif que l’Ethiopie soit «équitable».
Il est à signaler que la volonté éthiopienne de développer l’agriculture irriguée, quasi inexistante avec 3 % de ses surfaces agricoles et le potentiel hydroélectrique d’un pays qui manque d’énergie, ont conduit le gouvernement à lancer la construction de nombreux barrages depuis 1995.
Les besoins en électricité de l’Ethiopie augmentent de 30 % par an et en l’absence de financement des bailleurs de fonds internationaux, le gouvernement éthiopien a donc entrepris de financer seul la construction du barrage de la Renaissance qui est sur le cours du Nil, près de la frontière avec le Soudan. Des contributions spéciales ont été demandées aux fonctionnaires et à tous les Ethiopiens à cette fin.
Les eaux venues des plateaux éthiopiens représentent 86 % de l’eau consommée en Egypte et 95 % en période de crue. A lui seul, le Nil bleu fournit 59 % du débit du Nil. Le projet de barrage de la Renaissance a donc engendré de vives tensions considérant ce projet comme une menace «existentielle». Pourquoi ?
Le Nil, qui coule sur quelque 6000 km, est une source d’approvisionnement en eau et en électricité essentielle pour une dizaine de pays d’Afrique de l’Est. L’Egypte tire 97% de ses besoins en eau de ce fleuve.
En fonction de la rapidité avec laquelle l’Ethiopie remplira le bassin, le Caire s’attend à avoir 14 à 22% d’eau en moins. 30% des terres agricoles pourraient devenir arides, estime le gouvernement égyptien. Le Caire souhaite que le lac de retenue du GERD soit rempli le plus lentement possible, en près de quinze ans, alors que Gideon Asfaw, le ministre de l’Eau à Addis Abeba, propose quatre à sept ans. L’Egypte exige une garantie d’un débit de 41 milliards de mètres cubes par an, mais l’Ethiopie refuse de s’engager sur un tel chiffre, mais laisse entendre qu’elle pourrait accorder 30 milliards de mètres cubes.
Plusieurs experts considèrent le projet surdimensionné et des interrogations subsistent sur l’impact du remplissage du réservoir sur les pays en aval, sur l’envasement, la sismicité de la région, le comportement du barrage en cas de crue du Nil bleu, l’impact sur la biodiversité de la région.
La saison des pluies commence en juillet, un moment idéal pour commencer le remplissage du barrage conçu pour contenir 74 milliards de mètres cube d’eau. Si le Soudan, également riverain, partage les préoccupations de l’Egypte, il voit également des avantages : «une électricité bon marché et moins d’inondations», selon Dawid Wolde Giorgis, de l’Institut international pour la sécurité à Addis-Abeba.
R. I.
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