Ces deux Algériens grâce auxquels les crânes des résistants ont été restitués
Par Houari A. – Le mérite du rapatriement des restes mortuaires des résistants algériens entreposés depuis des décennies dans un musée français revient moins aux hommes politiques qu’à deux académiciens algériens. L’un, le chercheur algérien en histoire et anthropologie Ali-Farid Belkadi, pour les avoir découverts dans le cadre d’un travail de recherche en mars 2011 ; l’autre, l’écrivain et physicien Brahim Senouci, pour avoir lancé une pétition réclamant leur restitution à l’Algérie.
En décembre 2016, Ali-Farid Belkadi répondait au président du Muséum national d’histoire naturelle de Paris, Bruno David, qui avait évoqué devant les députés de l’Assemblée française la complexité du processus de restitution des crânes des résistants algériens réclamés par l’Algérie. «Bruno David n’est pas ministre, et quand bien même il le serait, l’affaire du Muséum est au-dessus de sa tête. Car la décision est éminemment politique», avait réagi le scientifique algérien, qui dénonçait une «posture rudimentaire des responsables des musées face au problème de la restitution des restes mortuaires à leur pays d’origine».
«Je finalise actuellement la liste des restes mortuaires, à la demande du ministère des Moudjahidine. Du côté d’Alger, on est bien décidé à rapatrier ces restes, quelles que soient les difficultés. Outre la liste officielle déjà dressée en 2011, qui comprend une quarantaine de martyrs, des éléments nouveaux sont apparus dans le dépouillement de lettres datant des premières années de la colonisation ; ces lettres, dont les copies sont en ma possession, révèlent l’existence d’autres restes mortuaires qui ont été expédiés à Paris depuis Alger par les anthropologues de l’époque, dans les années 1830, 1840 et 1850», avait-il précisé.
Le 18 mai 2016, Brahim Senouci lançait de son côté une pétition sur le site Change.org pour demander à l’Etat français de faire rapatrier en Algérie les crânes des résistants conservés dans les sous-sols du Musée de l’Homme, à Paris. «Les restes mortuaires de dizaines d’Algériens qui ont résisté à la colonisation française au XIXe siècle, morts au champ d’honneur, sont entreposés dans de vulgaires cartons, rangés dans des armoires métalliques, au Musée de l’Homme de Paris», dénonçait-il. «Il faut que ces restes soient rapatriés en Algérie pour y recevoir une digne sépulture !» exigeait le chercheur dans sa pétition qui recueillera 300 000 signatures.
Réagissant à l’annonce du rapatriement des crânes des résistants par le président Tebboune, ce jeudi, Brahim Senouci a estimé que «c’est une immense joie que cette conclusion heureuse au bout d’une lutte acharnée qui a duré plus de quatre années pleines». L’écrivain a mis en exergue la «contribution très importante» d’Ali-Farid Belkadi, en rappelant que, lui aussi, avait aussi lancé une pétition «dont l’écho n’a pas eu, hélas, le retentissement escompté».
«L’affaire ne doit pas s’arrêter là. Les crimes de la colonisation doivent absolument être révélés au grand jour. Il faut que nos compatriotes soient conscients de l’ampleur de la tragédie qu’a été la présence française dans notre pays. La liste des méfaits de la colonisation est très longue. Il ne s’agit pas de verser dans les jérémiades. Ce rappel des crimes abominables est rendu nécessaire pour que les Algériens retrouvent l’estime d’eux-mêmes et qu’ils intègrent dans l’imaginaire collectif la nécessité d’un regard apaisé, mais ferme, sur la tragédie qui a fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui», a-t-il écrit dans un message posté sur les réseaux sociaux, en appelant l’ensemble des Algériens à «réfléchir ensemble» à cette «noble tâche qui [les] réconciliera avec eux-mêmes et qui leur rendra un sentiment de fierté mérité».
H. A.
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