L’ex-directeur de Schlumberger répond à ceux qui l’accusent de «salir» Sonatrach
Par Nabil D. – L’expert qui a mis en garde contre l’achat par Sonatrach de la raffinerie d’Augusta a répondu à ceux qui l’accusent de «mener une campagne de dénigrement systématique» contre le groupe pétrolier algérien par «intérêt», en affirmant avoir passé quatre ans à élaborer sa thèse PhD sur la démonopolisation du secteur des hydrocarbures algérien. «Démonopoliser ne signifie pas automatiquement privatiser. Dans la conclusion, j’ai préconisé la création d’une Sonatrach-bis pour promouvoir la concurrence et forcer Sonatrach à améliorer sa performance et son mode de gestion», explique l’ancien directeur général de la filiale nord-africaine de Schlumberger.
Hocine-Nasser Bouabsa rappelle qu’il faisait partie du «cercle restreint des 50 top-managers de Schlumberger Group au niveau mondial» et que sa position de numéro deux «reportait directement au président de la région South-Europe, Middle-East & North-Africa». «J’avais mon bureau à Alger, Rome, Rabat et Tunis. J’ai connu Sonatrach de l’intérieur. Une compagnie où régnaient le clanisme et la corruption, à l’image du système de gouvernance de Bouteflika. Ses compétences étaient frustrées et déclassées par le système de cooptation», écrit-il, en précisant qu’à Alger, où il a résidé comme «expatrié», il a connu à Schlumberger et à Sonatrach des Algériennes et Algériens «honorables», qui «ne défendaient non pas seulement leur gagne-pain mais aussi les intérêts de leur pays». «Dommage qu’ils étaient très minoritaires», regrette-t-il.
Bouabsa, qui aurait pu épargner à l’Algérie plusieurs milliards de dollars s’il avait été écouté lorsqu’il avait lancé le signal d’alarme dans Algeriepatriotique, explique qu’il aurait pu joindre le comité directoire de Schlumberger, puisque deux membres du directoire l’ont convié à Paris pour lui faire une proposition «que tout carriériste aurait accepté volontiers, mais pas moi». «J’ai préféré quitter Schlumberger – les termes de confidentialité ne me permettent pas d’évoquer les raisons – la tête haute et avec tous les égards financiers – prime de départ conséquente – digne d’un manager qui a réussi sa mission, pour être à côté de mes enfants qui réclamaient avec plus d’insistance la présence de leur père, ce dont il avait droit», confie-t-il.
L’ancien cadre de la multinationale spécialisée dans les services et les équipements pétroliers ajoute qu’avec la prime de départ conséquente qu’il a perçue, il a créé Sonnergy GmbH en 2006. «Après trois ans, cette startup a pu accumuler la compétence et le savoir-faire qui lui ont permis de gagner la confiance d’investisseurs qui étaient prêts à investir 300 millions de dollars dans une usine de Polysilicium – le feedstock de l’industrie photovoltaïque – en Algérie», explique-t-il. Sonnergy fut aussi shortlistée par le groupe Sonelgaz parmi trois sociétés allemandes pour la construction de l’usine photovoltaïque de Rouiba pour un coût de 200 millions d’euros, insiste-t-il, en expliquant que faute de pouvoir s’accommoder du «système des requins, de la prédation et de la dilapidation des deniers de l’Etat», il a préféré se retirer de la «jungle d’affaires algérienne» et se concentrer sur ses activités en Allemagne.
S’agissant du projet Desertec, Hocine-Nasser Bouabsa rappelle qu’il en est un des premiers initiateurs et qu’il a quitté la fondation éponyme «après que le comité de pilotage a choisi Cevital comme membre de l’initiative industrielle au lieu d’Algerian Energy Company, filiale de Sonatrach et Sonelgaz, que j’ai personnellement recommandée», a-t-il affirmé, en notant qu’il est contre l’initiative industrielle Desertec DII «qui se focalise exclusivement sur les intérêts des grandes multinationales». «Le gouvernement algérien a bien fait de vouloir recadrer l’action de DII, le gouvernement français a, quant à lui, son propre agenda», a-t-il fait remarquer, en estimant qu’«on ne doit pas perdre de vue le développement des technologies de l’hydrogène solaire qui sont en train de gagner du terrain».
«Je n’ai jamais participé à une campagne de dénigrement contre Sonatrach, d’autant plus que je connais l’importance de cette entreprise qui fait nourrir des dizaines de millions d’Algériens. Par contre, j’ai usé, et j’userai, de mon droit d’Algérien libre pour critiquer les errances et les carences de gestion de cette entreprise hautement stratégique pour le peuple algérien», a conclu Hocine-Nasser Bouabsa qui s’oppose à l’exploitation du gaz de schiste au Sahara, «non pas seulement en raison des dangers environnementaux irréversibles qu’elle peut provoquer, mais surtout parce qu’il est temps que l’Algérie divorce du système de la rente pétrolière pour s’engager définitivement dans la logique de la création de la richesse par le travail et l’intelligence», a-t-il conclu.
N. D.
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