Mythes constructeurs

mythes histoire
L'Algérie a rendu un vibrant hommage à ses résistants. PPAgency

Par Nouredine Benferhat – La geste héroïque de nos résistants doit être glorifiée car elle participe des mythes nécessaires à la construction de la mémoire collective. La plupart des nations se sont construites sur des mythes.

La France qui a unifié sa nation en inventant plusieurs mythes, dont celui que nous connaissons bien, «Charles Martel qui a arrêté les Arabes à Poitiers» ; Israël dont l’Etat a été essentiellement construit sur des mythes, que l’historien israélien Shlomo Sand démystifie dans son ouvrage Les mythes fondateurs de l’Etat sioniste.

Notre société conserve encore quelques atavismes de notre passé tribal et est soumise, comme le dit le sociologue marocain Abdelkebir Khatibi, «aux absolus socio-agnatiques et divins». Souder la nation n’a jamais été une préoccupation des pouvoirs successifs. Leur politique basée sur l’équilibre régional a participé à aggraver les disparités régionales, induisant un clanisme prédateur qui a sévi avec les dégâts que l’on sait.

L’urgence est de construire la mémoire collective nationale en créant les conditions qui favorisent l’engouement pour le passé.

C’est dans cet esprit que les éditons Marinoor, que j’ai eu l’honneur de fonder au milieu des années 1990, avait lancé la revue Repères, histoire et mémoire, pour recueillir le témoignage d’acteurs importants de la Guerre de libération nationale. Malheureusement, beaucoup se dérobèrent, nous n’avions recueilli que le témoignage du colonel Boubnider et du colonel Hassan.

Nous avions aussi organisé le colloque sur Mohamed Boudia pour sortir de l’oubli ce héros, militant de la première heure, homme de culture qui a fondé la première revue culturelle à l’indépendance, auteur et homme de théâtre, soutien actif de la cause palestinienne, assassiné par le Mossad. Nous avions exhorté les pouvoirs à baptiser un lieu de culture du nom de ce héros, en vain.

Le combat à mener consiste à aider à la réhabilitation de ceux que l’histoire officielle a bannis ; je pense à Mohamed Khider, Krim Belkacem et beaucoup d’autres.

N. B.

Comment (15)

    Khider Tarik
    19 juillet 2020 - 9 h 29 min

    Mr Nouredine Benferhat,
    Je suis le fils du leader algérien Mohamed Khider.
    Si vous êtes intéressé, on peu se mettre en relation sur ma page Facebook Khider Tarik ou par messenger
    Meilleures salutations

    Wlad França
    10 juillet 2020 - 10 h 26 min

    Le médiateur devient fébrile quand il lit mes posts. Il se pose toujours la question : dois-je publier ou pas? Dans 50% des cas il laisse passer en jouant parfois des ciseaux pour couper ça et là. Pour le reste, c’est à dire quand je parle de tebboune ou de certains journalistes / collaborateurs de AP alors là Makach walou. Pas de publication.

    Aouina
    10 juillet 2020 - 6 h 45 min

    En réalité, les mythes fondateurs et le récit historique sont en train de se construire en Algérie et cette construction nous échappe un peu parce que nous sommes dedans et qu’on ne peut pas vraiment avoir une vue
    du dessus. Des groupes et des individus essaient de caporaliser les points de vue, les grands faits historiques, .. en les interprétant à leur manière. Et comme il n’y pas encore une organisation « sérieuse » de l’état et la démocratie avec , cela part dans tous les sens. Les marionnettistes opèrent dans l’ombre c’est connu et le reste ne comprend ni ne participe mais tente de « suivre » comme il il peut. Les indécrottables de ce site le prouvent en polluant les discussions profondes exposées par certains journalistes.
    Dans l’affaire des « restes » des résistants du 19 è siècle, les commentaires du chercheur qui a été à l’origine sont édifiants sur l’impossibilité (momentanée j’espère) de concilier les points de vue et de travailler collectivement.
    En même temps, certains comparent le retour de ces « restes » au retour des restes de l’Emir Abdelkader.
    Non non et non .. sans enlever quoi que ce soit à EAEK, ces résistants sont morts dans leur pays pour leur pays !
    Mais allons plus loin : et les milliers de morts de mai 1945 auxquels on a jamais attribué le titre de « chahids » ? Et les morts qu’on retrouve encore partout dans les charniers, il suffit de soulever un peu de terre près de certains endroits. Les dirigeants, hommes politiques et même beaucoup d’intellectuels courent après la reconnaissance égoïste, individuelle … y compris celle du pouvoir. Pourtant quelques idées pourraient changer les choses : une liberté d’expression, la possibilité de faire de la politique « honnête » dans des partis représentatifs, des élections libres et la mise à l’écart définitif de certaines structures qui ont fait beaucoup de mal à l’Algérie.
    Lé récit historique de la France a commencé il y a longtemps, d’abord les rois et et ensuite la République avec son lot de prétentions civilisatrices qui a engendré l’esclavage et la colonisation. Cela se poursuit encore par le néocolonialisme et les prétendus droits de l’homme à la sauce occidentale (on sait ce que cela a donné …).
    Il est assez facile de prouver que les groupes humains qui deviennent puissants se croient investis de missions (parfois divines) civilisatrices.

    Ouinna !
    10 juillet 2020 - 0 h 11 min

    La construction d’un pays se fait uniquement avec une bonne education !

    Karamazov
    9 juillet 2020 - 18 h 20 min

    @Kouidri S

    Et que faites donc vous de :  » Nos héros ne relèvent pas du mythe mais de l’histoire et c’est celà leur force que le peuple doit entretenir pour mieux avancer. »

    J’ai l’impression que je ne suis d’accord avec vous que parce que je ne vous ai pas compris.

    Pensez vous que sans que c’est sur autre chose que les mythes que les nations, les Etats-nations, sont fondées ? Il y a des peuples qui partage plus d’histoire , leur origine mais qui sont partagé entres ces « nations ». Les Kurdes les basques , les ber eu… non pas les berb !

    Ne peut-on pas parler dans ce cas du  » khorti fondateur » des nations ?

    Karamazov
    9 juillet 2020 - 18 h 10 min

    @ Koudri S
    Et que faites vous de :

     » Nos héros ne relèvent pas du mythe mais de l’histoire et c’est celà leur force que le peuple doit entretenir pour mieux avancer. »

    Pour le reste je crois que je suis d’accord avec vous . Mais c’est peut-être parce que je ne vous ai pas compris.

    Le jeu des 3 cartes
    9 juillet 2020 - 17 h 27 min

    Le pays plusieurs fois millénaire n’est pas né après 1830 pour créer un mythe de référence, à moins que l’on veuille ménager l’histoire et limiter notre peuple depuis la guerra contre le colonialisme de 1830, pour ne pas déranger la pax arabislamique en cours…

    Abou Stroff
    9 juillet 2020 - 14 h 48 min

    « La plupart des nations se sont construites sur des mythes. » souligne N. B..
    l’affirmation de l’auteur peut être valide tant que que le mythe n’a pas été débusqué en tant que tel. or, il s’avère qu’avec les moyens de communication actuel, aucun mythe ne résiste à l’investigation.
    quelques exemples:
    – les mythes fondateurs de l’entité sioniste se déconstruisent à partir du moment où cette entité est appréhendée en tant que vestige colonial doublé d’une entité raciste basée sur la religion (la plupart des chercheurs doutent de l’existence même de moîse).
    – le mythe de kouider el mali guerroyant le colonialisme français à partir du mali s’effondre dès qu’on découvre que kouider a été exilé au mali pour s’être débiné d’une mission que lui avait confié sa hiérarchie (on dit même que laroussi khalifa voulait le liquider pour haute trahison).
    – dans les années 60 et 70 et à l’instigation de taleb el ibrahimi, on enseignait aux élèves que c’est grâce à l’association des oulémas algériens que les algériens se sont soulevés contre la france coloniale (un mythe qui perdure encore grâce à la main mise de la vermine islamiste sur le système éducatif). or, il s’avère que l’association n’a rejoint le FLN qu’en 1956 (avec le couteau de Abane sur la gorge, diront certains).
    – le mythe du marché « libre » qui assurerait une allocation optimale des ressources et qui a été galvaudé depuis les années reagan-thatcher s’est effondré pendant le crise des sub-primes (2007) et s’est complètement affaissé depuis l’apparition du covid-19.
    – le mythe de la conquête pacifique de contrées lointaines grâce aux foutouhates islamia alors que les faits historiques mentionnent des massacres suivis de razzia pour galvaniser les « foutouheurs ».
    – plus près de nous, des idéologues de seconde zone (du genre h. temmar) ont eu l’outrecuidance de transformer un mythe (le marché régulateur) en « fondements théoriques du libéralisme » alors que ce dernier n’est qu’une idéologie puérile au service du grand capital.
    – enfin, le mythe du hirak porteur de changement alors que le hirak n’est, dans les faits qu’un coup de gueule sans lendemain.
    en termes clairs, « On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps. » Abraham Lincoln

      Karamazov
      9 juillet 2020 - 16 h 02 min

      Deux mecs qui ont fumé jusqu’à plus soif se retrouvent ensemble dans une chambre au sixième otage d’un hôtel. Un d’eux se met à la fenêtre et se met à dire je suis un oiseau je suis un oiseau et vais voler. Et là il se lance par la fenêtre et se fracasse par terre. Le Matin, la police frappe à la porte , son copain se réveille, l’asticote sur les raisons de l’accident. Le quidam raconte comment c’est arrivé . La police le brusque et lui dit : comment il t’a dit qu’il était un oiseau et tu l’as laissé faire?

      Oui Messyou l’Agent , moua en ce moment je l’ai cru .

    Mémoire collective, avec l'HISTOIRE depuis le début
    9 juillet 2020 - 10 h 52 min

    Monsieur Nouredine Benferhat je vous félicite pour vos efforts dans le travail d’écriture de notre histoire récente. Là vous évoquez seulement la guerre de libération, c’est effectivement un gros morceau important de l’histoire contemporaine de notre pays. Il est vrai, elle est récente mais il nous reste à l’écrire d’une manière authentique, objective et juste. C’est donc le rôle d’historiens professionnels intègres et honnêtes.

    Cependant, la mémoire collective algérienne dont vous parlez ne sera complète et ne deviendra réalité que lorsque toute l’histoire de notre pays sera contée, écrite et reconnue officiellement mais pas seulement à partir du 27 ème jour du mois de Ramadhan de l’an 610, jour des premières révélations du Coran, mais au delà. Le jour où on commencera à inclure dans le programme officiel de l’école de nos enfants cette histoire là, on pourra enfin dire que la mémoire collective algérienne commence à émerger progressivement et devienne enfin un bien mémoriel commun à sauvegarder et à entretenir. Mes respects.

    Karamazov
    9 juillet 2020 - 10 h 21 min

    Je crois que vous voudriez laisser croire que les mots « mythes fondateurs » signifient :  » les mensonges fondateurs « .

    Je suis navré de vous contredire et de de vous dire que ce n’est pas du tout le cas.
    Vous essayez de faire accroire que l’ Histoire des pays est basée exclusivement sur des vérités.

    Eh non, l’histoire des pays est basée sur des faits , ce qu’on en sait, ce qu’on croit savoir , sur leur mystification, et sur leur mythologie.

    Je vous en donne un seul exemple : La religion qui est une partie intégrante de l’identité des nations.

    Ou, ça c’est une vérité absolue ?

      Kouidri S
      9 juillet 2020 - 11 h 54 min

      La religion ne serait-elle pas plutôt la première idéologie qui cache les faits pour mieux entretenir les mythes ? Quand l’auteur écrit que « L’urgence est de construire la mémoire collective nationale en créant les conditions qui favorisent l’engouement pour le passé » Il se trompe car l’engouement pour le passé est contraire à l’histoire. On ne construit pas la mémoire on l’entretient. Il suffit de se rendre compte que le rappel des faits, l’histoire, est contre les mythes pour dire que la religion comme toute idéologie au pouvoir a un intérêt à entretenir les mythes. Nos héros ne relèvent pas du mythe mais de l’histoire et c’est celà leur force que le peuple doit entretenir pour mieux avancer. Les faits, photos, et documents le prouvent. Leur héroïsme n’a pas été inventé et ne relève d’aucun mythe et c’est ce qui nous permet d’en être fier

        karamazov
        9 juillet 2020 - 12 h 31 min

        Iben moua je m’en tiens à la définition que donne Wiki du héros.
        « Les héros et les héroïnes sont des personnages réels ou fictifs de l’histoire, exemplaires de la mythologie humaine ou des arts, dont les hauts faits valent qu’on chante leurs gestes. Ces derniers, édulcorés par la légende dorée des hagiographes, sont passés dans la légende populaire. Wikipédia »

        Même si les faits d’armes qu’on leur attribue sont totalement ou en partie vrais , il n’empêche que le mot héros relève plus du registre de la mythologie que de l’Histoire , et que c’est ainsi qu’ils sont mémorisés.

        Ce n’est pas évident de faire la part des choses.

        Anonyme
        9 juillet 2020 - 15 h 16 min

        Permettez cette modeste intervention où je peux, et je le veux, être d’accord avec vous tous et l’auteur de l’article en premier lieu, cela au risque de collecter tous les « antagos et diférents ». En effet, je ne pourrais jamais nier que ces héros étaient réels, que leurs restes en sont la meilleure preuve, mais je ne pas non plus nier que le mythe est le seul colporteur de la réalité et que bon gré mal gré il faudrait l’entretenir, le modifier et l’enrichir et le réinventer s’il le faut.
        Merci

          Kouidri S
          9 juillet 2020 - 15 h 38 min

          Oui vous avez raison. Ce n’est pas de héros qu’il s’agit quand on est dans l’aire de la civilisation,anticapitaliste, antisioniste dans l’histoire qui nous sort des mythes où veut nous contenir l’idéologie dominante mais de bravoure. A la place de « Leur héroïsme n’a pas été inventé » dans mon commentaire,c’est plutôt de « leur bravoure qui n’a pas été inventée » qu’il s’agit. Merci pour votre critique qui me permet de me corriger

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