Les marionnettistes du Makhzen, l’extrême-droite et la cause d’un peuple
Par Slimane Hamzaoui(*) – Ecœuré par la série impressionnante de déconvenues essuyées récemment au niveau de différentes institutions européennes qu’elles ne cessent de harceler sur la situation sanitaire qui prévaut dans les camps de réfugiés sahraouis à Tindouf, dans le contexte de la pandémie du Covid-19 et sur les allégations de détournement de l’aide humanitaire à ces mêmes refugiés, le Makhzen s’affiche désormais au grand jour et sans état d’âme avec les députés de la droite extrême dont l’idéologie nauséabonde et islamophobe est bien connue de tous pour essayer de relancer, vaille que vaille, la machine à propagande brinquebalante et poussive du bureau de la MAP à Bruxelles et de ses relais satellites.
Dans sa précipitation suspecte, cette dernière vient d’ailleurs de réussir l’exploit de diffuser une dépêche sur une proposition de résolution sur l’aide humanitaire européenne au «Polisario» (sic) déposée par trois eurodéputés de la droite extrême cornaqués par la frontiste xénophobe Dominique Bilde, avant même que le document ne fut tablé au niveau du Parlement européen ! Il s’agit là, bien entendu, d’un non-évènement car le groupe Identité et Démocratie (partis de l’extrême-droite de l’échiquier politique européen) n’a jamais réussi à faire passer une seule résolution en cinq années d’existence au Parlement européen. Le seul «mérite» de cette initiative isolée et vouée à l’échec est de permettre aux illusionnistes de la MAP de pondre une énième dépêche pour entretenir la fiction d’une «saisine officielle du Parlement européen». Encore un gros mensonge éhonté qui s’en ira rejoindre le fatras des tromperies débitées à l’échelle industrielle par cette agence.
Dans le même sillage, les préposés à la propagande de ce bureau de Bruxelles viennent de relayer une question risible préparée par les scribouillards de la section Algérie au sein de la chancellerie marocaine et «postée» par l’eurodéputée italienne Silvia Sardone, appartenant au même groupe politique de l’extrême-droite (Identité et Démocratie) sur de prétendues exécutions extrajudiciaires dans les camps de Tindouf. Désormais, les accointances honteuses avec l’extrême-droite xénophobe et raciste sont assumées à visage découvert.
Ces deux dépêches qui rapportent les «hauts faits d’armes» des télégraphistes de l’extrême-droite européenne prouvent bien que le porte-plume de ce quatuor de députés peu recommandables et véreux se trouve bien au niveau de la chancellerie marocaine. Trois preuves de cette implication directe des marionnettistes marocains qui tirent les ficelles derrière les rideaux :
Primo, dans tous les documents officiels des institutions européennes, il est fait mention de l’assistance humanitaire aux réfugiés sahraouis ou au peuple sahraoui et non pas au Polisario. Tout le monde sait que le Makhzen ne peut, en aucune manière, évoquer un peuple sahraoui dont il cherche à tout prix à nier l’existence. Le crime est donc signé.
Secundo, on retrouve les éléments de langage officiels du Makhzen institutionnel sur la question du recensement des réfugiés, avec en prime la demande saugrenue et absurde de faire superviser cet exercice par l’Union européenne ! Une ineptie qui en dit long sur les arrière-pensées du concepteur de ce torchon de proposition de résolution dont le sort est déjà scellé et qui finira dans les poubelles du Parlement.
Tertio, il est demandé à la Commission européenne d’auditer l’aide accordée au «Polisario» (re-sic) ; il s’agit là du plus grand fantasme du Makhzen institutionnel qui est décidément autiste sur ce sujet.
Pour répondre à ces allégations de détournement et démasquer ces propagandistes impénitents, il suffit de revenir aux réponses officielles formulées par les différents commissaires qui ont été interpellés sur cette question. Bien entendu, il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, car ces allégations malveillantes ont été récusées fermement par les plus hauts responsables de la Commission européenne, comme on a le loisir de le constater ci-dessous :
A cette même Dominique Bilde, qui agit en supplétive assumant fièrement sa vassalité vénale, le commissaire européen à la Gestion des crises, Januz Lenarcic, avait pourtant répondu par écrit, en date du 2 juillet 2020 : «Pour le détournement de l’aide humanitaire, je veux vous assurer que nous avons de fortes garanties sur place. Nous avons élaboré des mesures de contrôle et de surveillance pour garantir que l’aide de l’UE ne soit pas détournée au point où nous sommes accusés par certains de nos partenaires, qui trouvent qu’avec ces standards et notre système de contrôle et de monitoring, il est devenu difficile pour eux de travailler avec nous. Je peux vous assurer que nos garanties sont suffisamment robustes pour éviter tout détournement de l’aide de l’UE.»
L’ancienne commissaire chargée du Budget Kristalina Georgieva avait souligné, lors d’un débat devant la Commission du contrôle budgétaire du Parlement européen, qui s’était tenu le 24 mars 2015, que «les accusations de détournement de l’aide humanitaire de l’Union européenne destinée aux camps des réfugiés sahraouis à Tindouf sont injustes, notamment suite aux mesures robustes prises par la Commission européenne».
Cette même responsable avait fait circuler, le 25 janvier 2016, un document aux membres de la Commission du contrôle budgétaire, dans lequel elle affirme que la Commission européenne «a effectué 24 missions de suivi et de contrôle durant l’année 2015 dans les camps des réfugiés sahraouis à Tindouf et que ses représentants sont présents sur les lieux deux semaines par mois afin d’assurer l’utilisation la plus efficace des financements de l’Union européenne».
De son côté, le commissaire européen chargé de l’aide humanitaire et de la gestion des crises de l’époque, Christos Stylianides, avait indiqué dans sa réponse datée du 27 avril 2016 à une question écrite qui lui avait été adressée par l’eurodéputé Hugues Bayet (encore et toujours, le Front national agissant en tant que relais du Makhzen institutionnel), qu’«il n’appartient pas à l’Union européenne d’effectuer un recensement des réfugiés» (une évidence) et d’ajouter que «cette question doit être examinée dans le cadre du processus conduit par les Nations unies». Une claque bien sonore administrée à ce vassal incorrigible qui continue de «faire le job» pour plaire à ses employeurs et mériter leurs largesses.
Ce perroquet, dont les connaissances en relations internationales sont visiblement très limitées, est loin de savoir (et gageons que ses employeurs ne l’affranchiront point) que le recensement est un simple élément technique d’un package politique cohérent, interdépendant et indissociable qui s’appelle le plan de paix adopté par les Nations Unies en 1990 et que cette technique du salami, tant convoitée par les marionnettistes qui l’articulent, n’a aucune chance de se réaliser (sauf si les autorités marocaines font résipiscence et acceptent d’organiser un référendum à choix multiple, libre, transparent et sans contraintes administratives ou militaires).
Evoquant la gestion et la fourniture de l’aide humanitaire, le commissaire Stylianides avait apporté un démenti cinglant aux allégations de détournement en déclarant : «La Commission européenne travaille avec un nombre limité d’organisations partenaires clés (notamment le Programme alimentaire mondial, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, OXFAM, la Croix-Rouge espagnole) pour garantir la maîtrise totale de l’aide», soulignant que «l’aide humanitaire de la Commission n’est ni fournie ni contrôlée par une quelconque autorité politique» (en réponse aux allusions faites par le Maroc sur une prétendue implication du Polisario et de l’Algérie).
Par ailleurs, dans son intervention devant la Commission du contrôle budgétaire au Parlement européen, le 14 juillet 2015, l’ex-directeur général de l’aide humanitaire et de la protection civile (DG ECHO), le Danois Claus Sorensen, a démonté les arguments «spécieux» de la présidente de la Commission du contrôle budgétaire, l’Allemande Ingebourg Grassle, qui avait convoqué la session spécialement pour remettre sur le tapis le rapport OLAF daté de 2007. Le DG ECHO a présenté le dispositif de contrôle de l’acheminement de l’aide européenne, dispositif qualifié d’extrêmement «rigoureux» et «complet», preuve à l’appui. S’appuyant sur des arguments solides, le DG ECHO avait précisé à l’assistance que «l’opération se déroule depuis 2003 avec l’établissement de 36 rapports d’audit dont 8 réalisés sur place dans les camps sahraouis».
A cette occasion, il a plaidé en faveur du maintien de l’aide humanitaire aux réfugiés sahraouis en insistant fermement qu’après enquête approfondie les noms suggérés sur la base de rumeurs dans le rapport Olaf (Polisario et Croissant-Rouge algérien) n’ont aucune relation avec l’aide humanitaire de l’UE. Il convient de souligner que lors de cette audition, Sorensen a indiqué que le «recensement est tributaire de l’organisation du référendum d’autodétermination et que le référendum est la seule solution à la crise».
Cette longue série de réponses documentées fournies par les plus hauts responsables de l’UE est édifiante. Ces réponses démontent méthodiquement et implacablement les allégations recuites et ressassées par les autorités marocaines pour faire diversion et tenter de faire oublier qu’elles occupent militairement et en toute illégalité le territoire du Sahara Occidental (territoire séparé et distinct, selon la jurisprudence européenne) et que ces réfugiés sahraouis sont à Tindouf dans le cadre d’un déplacement forcé en raison de la brutalité de l’envahissement militaire du 6 novembre 1975 (avec utilisation de bombes au napalm) alors que la Cour de justice internationale venait à peine de rendre son avis consultatif (16 octobre 1975) qui a conclu à l’inexistence «d’aucun lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara Occidental, d’une part, le royaume du Maroc ou l’ensemble mauritanien, d’autre part».
La Cour avait appelé, par conséquent, à l’application de la résolution 1514 (XV) (1960) de l’Assemblée générale (qui contient la déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux) quant à la décolonisation du Sahara Occidental et en particulier «l’application du principe d’autodétermination grâce à l’expression libre et authentique de la volonté des populations du territoire».
S. H.
(*) Politologue
In Afrique Asie
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