Le cauchemar de la planche à billets et l’angoisse de l’épuisement des réserves
Par Mounir Serraï – «Accélérer la réforme financière, à travers plusieurs mesures qui permettraient à l’Etat d’économiser 20 milliards de dollars à la fin de l’année en cours». Voilà en somme l’objectif tout tracé du gouvernement pour tenter de retarder la banqueroute de l’Etat, une faillite annoncée et qui semble de plus en plus inéluctable si l’on se fie aux indicateurs économiques actuels et aux sombres perspectives du marché de la principale ressource financière en devises que représente le pétrole.
Le pays vit depuis 2014 de ses réserves de change qui fondent comme neige au soleil. Elles sont passées d’environ 179 milliards de dollars à la fin 2014 à 62 milliards en décembre 2019. Autrement dit, l’Algérie a dépensé 117 milliards de dollars durant cette période qu’elle n’a jamais gagnée. C’est tout simplement vivre au-dessus de ses moyens. Tous les discours relatifs à la diversification des exportations et à la réduction des importations se sont avérés inutiles, puisque rien n’a changé depuis. Au déficit commercial abyssal s’ajoute un manque de liquidité bancaire qui ne fait qu’aggraver le déficit budgétaire.
Pendant trois années consécutives, l’Algérie vit de la «planche à billets », appelée en langage plus soft «financement non conventionnel». Les lois de finances successives depuis 2017 sont bouclées grâce à la production de la monnaie. Et la situation est bien loin d’être meilleure. Les ressources financières de l’Etat proviennent essentiellement de la fiscalité pétrolière qui a diminué au cours du premier semestre 2020 de plus de la moitié. Si le budget de l’Etat de 2020 est bouclé avec le concours de la planche à billets à hauteur de 30%, la loi de finances 2021, déjà en cours de rédaction, va être bâtie assurément avec l’usage à grande échelle de la planche à billets, parce que la crise économique fortement aggravée par le coronavirus a presque achevé le secteur économique, plongée dans difficultés financières incommensurables dans bien des cas.
Et jusque-là, il n’y a aucune véritable stratégie de relance économique à même de donner de l’espoir à moyen et court terme. L’Exécutif s’embourbe dans la gestion immédiate, acculé par l’enchaînement d’évènements et bousculé par les urgences multiples du moment. Si lors du dernier Conseil des ministres, le ministre des Finances, Aïmen Benabderrahmane, a suggéré un plan de relance économique de 10 milliards de dollars qui seront puisés des réserves de change, il n’a nullement esquissé les grandes lignes de cette relance. Car, il ne s’agit pas d’injecter de l’argent pour relancer une économie.
La construction d’une économie diversifiée et productrice de richesse ne peut se faire sans une stratégie murement réfléchie, prenant en compte tous les aspects et les spécificités du pays. Continuer à chercher à réduire les importations sans mettre des instruments fiables et durables permettant de booster les exportations hors hydrocarbures ne va pas sauver le pays de la banqueroute.
La notion du travail et de la création de richesse sont à réinventer dans une Algérie qui connaît un désert scientifique et industriel depuis quatre décennies. C’est le moment ou jamais d’engager de véritables réformes. Car, une fois nos réserves de change épuisées, il serait difficile de pouvoir attirer les investissements extérieurs si nécessaires au décollage de notre économie.
M. S.
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