Quand la MAP répond à une information précise par un verbiage fruste et inconsistant
Par Slimane Hamzaoui(*) – Dans une dépêche publiée hier le 13 juillet 2020, l’agence de presse marocaine MAP tente vainement, à travers son correspondant à Bruxelles, de remettre en cause les éléments d’information limpides et sans équivoque exposés par l’ambassadeur d’Algérie à Bruxelles, Amar Belani, quant au prétendu détournement de l’aide humanitaire par le Front Polisario et l’Algérie.
Par souci d’honnêteté intellectuelle, ces clarifications ont été reprises «in extenso» des déclarations des plus hauts responsables de l’Union européenne en charge du dossier et ramenées, pour chacune d’entre elles, aux contextes dans lesquels elles ont été prononcées. Ceci est vérifiable sur le site officiel de l’ambassade d’Algérie à Bruxelles. (http://algerian-embassy.be/reponse-de-lambassadeur-amar-belani-aux-allegations-de-detournement-de-laide-humanitaire-de-lunion-europeenne/)
Mais force est de constater qu’au lieu de débattre sur la base d’arguments, cette presse de caniveau verse encore une fois dans l’insulte et l’invective, en ramenant des faits avérés, documentés et disponibles pour chaque lecteur à des attaques ad hominem contre des représentants de l’Etat algérien au mépris des règles élémentaires de la profession à laquelle ils sont censés appartenir.
Et pour étayer ses propos, cette même agence marocaine de presse appelle à la rescousse un certain avocat dénommé Stéphane Rodrigues, qu’elle présente comme témoin de moralité, et qui a été invité également par le média Médi1 cette semaine, pour alimenter la campagne de propagande officielle.
Rappelons seulement que ce dernier est partenaire du cabinet d’avocats bruxellois «Lallemand, Legros et Associés», qui a agi en qualité de lobbyiste pour le compte du royaume du Maroc, en faisant diffuser, début de l’année 2015, le rapport de l’OLAF de 2007. Il se déclare lui-même sur cette même chaîne de télévision comme pétitionnaire au sein de la 4e commission de l’ONU, en charge des questions de décolonisation, et donc en service commandé pour faire valoir les thèses de la «marocanité du Sahara Occidental», avec pour mission principale de mettre ce rapport sur la table de discussion.
Cet homme «de droit», et sans apporter aucune preuve, a abondé amplement dans le sens souhaité par le journaliste de Médi1, s’agissant des allégations de crime organisé et de terrorisme imputées au Polisario, ainsi qu’en matière de propagation du Covid-19 au sein des camps de réfugiés sahraouis.
Se dispensant ostensiblement des règles élémentaires d’éthique que lui exigent ses statuts d’avocat et d’enseignant universitaire, en matière d’indépendance, de probité et d’honnêteté scientifique, Maître Rodrigues omet, également, de souligner que le rapport OLAF a été classé sans suite par les autorités européennes, dont elles qualifient les propos de discordants et d’insuffisamment documentés (certains passages de ce rapport rapportent des rumeurs colportées par des agents marocains basés en Mauritanie).
Concernant l’appartenance des eurodéputés qui défendent les thèses marocaines à l’extrême droite de l’échiquier politique européen que la MAP tente honteusement d’éluder, la vérité est têtue et chaque lecteur peut lui-même confirmer l’obédience des noms qui sont cités. (Les eurodéputés initiateurs de la proposition de résolution appartiennent tous au groupe de l’extrême droite Identité et Démocratie : la française Dominique Bilde du Rassemblement national, l’Allemand Bernhard Zimniok de l’Alternative for Germany et l’italienne Gianna Gancia de la Lega). Ce trio était appuyé par une autre eurodéputée italienne, Anna Bronfisco, appartenant au même groupe identitaire, xénophobe et islamophobe. Voilà la vérité crue que la MAP essaye pitoyablement de masquer pour ne choquer les lecteurs marocains.
Loin de l’idéal baudelairien et sous l’emprise d’une colère à peine refoulée, l’agencier larmoyant de la MAP s’est pris les pieds dans le tapis en grillant le rédacteur du journal The Brussels Times qui a publié une tribune de la frontiste et nostAlgérique, Dominique Bilde, et qui traîne les pieds pour publier un droit de réponse de l’ambassade d’Algérie. Autant dire qu’il met ce journal dans une situation compliquée compte tenu des règles en usage dans le royaume de Belgique.
Ce même bonimenteur a osé réécrire les propos du commissaire européen à la Gestion des crises, Januz Lenarcic, qui avait indiqué, dans une réponse pourtant écrite, datée du 2 juillet 2020 : «Pour le détournement de l’aide humanitaire, je veux vous assurer que nous avons de fortes garanties sur place. Nous avons élaboré des mesures de contrôle et de surveillance pour garantir que l’aide de l’UE ne soit pas détournée au point où nous sommes accusés par certains de nos partenaires, qui trouvent qu’avec ces standards et notre système de contrôle et de monitoring, il est devenu difficile pour eux de travailler avec nous. Je peux vous assurer que nos garanties sont suffisamment robustes pour éviter tout détournement de l’aide de l’UE.»
Enfin, si besoin est d’expliquer cette fuite en avant du Makhzen, l’échafaudage qu’il a construit sur des contrevérités historiques et des soutiens intéressés et vénaux qu’il essaie de maintenir, quel qu’en soit le prix, ne peut résister aux faits et aux réalités amères que constituent, pour lui, les différents arrêts et avis de la jurisprudence internationale et européenne ainsi que les déclarations officielles des plus hauts responsables européens.
Au-delà des déclarations officielles, les ONG surfent sur cette même lame de fond comme on a pu le constater lors de la 44e session du Conseil des droits de l’Homme à Genève où l’ONG France Libertés (proche de thèses marocaines jusqu’en 2015) a pointé, à juste titre, le fait que «le Maroc utilise la corruption et l’intimidation comme outil de sa politique étrangère pour perpétuer son occupation illégale du Sahara occidental». La messe est dite.
S. H.
(*) Politologue
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