Face au Covid-19 : le Dr Aziz Ghedia relance le débat sur l’immunité collective
Par Dr Aziz Ghedia – Il y a quatre mois, jour pour jour, j’avais écrit mon tout premier article concernant cette pandémie du Covid-19 et dans lequel, en ma qualité de médecin, je préconisais ni plus ni moins que de laisser la population vaquer le plus normalement du monde à ses tâches quotidiennes. Autrement dit : l’immunité collective. En fait, voilà, repris de cet article, ce que je disais : «Ainsi donc, face à cette épidémie de Covid-19, il vaut mieux, à mon humble avis, opter pour l’immunité collective. Et cela pour deux raisons principales :
1- Laisser la nature faire car la nature fait bien les choses ;
2- Le pays n’est pas préparé au confinement (après plus d’une année de Hirak et donc de la réappropriation de l’espace public par les Algériennes et les Algériens). Preuve en est qu’actuellement, cette question divise les Algériens : il y a ceux qui veulent, malgré le risque, continuer le Hirak et ceux qui, peut-être beaucoup plus sensibilisés sur les conséquences sanitaires du coronavirus, veulent marquer une pause dans ce processus révolutionnaire ;
3- Accessoirement, le système algérien est loin de pouvoir répondre à une forte demande et prendre en charge sérieusement et correctement tous les éventuels cas de cette grippe».
A l’époque, beaucoup de commentateurs m’avaient opposé des critiques plus qu’acerbes. On avait même remis en cause ma qualité de médecin. C’était comme si j’avais commis un sacrilège. Ou, pire encore, comme si j’avais appelé à pratiquer à grande échelle l’euthanasie pour éliminer le maximum de nos concitoyens.
Face à cette épidémie qui devenait de plus en plus active, de plus en plus envahissante, de plus en plus contagieuse, l’Algérie, à l’instar d’autres pays, a opté pour le confinement. Sauf que, dès le départ, ce confinement, force est de le reconnaître, a été mené de façon anarchique. Une démarche qui laisse jusqu’à maintenant, d’ailleurs, beaucoup de gens perplexes, particulièrement ces dernières semaines où l’on voit, à l’approche de l’Aïd du sacrifice, les marchés à bestiaux pleins à craquer sans respect d’aucune mesure de sécurité par les vendeurs et les acheteurs. Un confinement qui n’en est pas vraiment un est plutôt source de problèmes et de complications.
Il se trouve qu’aujourd’hui, on commence à revenir à la raison. Il y a de plus en plus de médecins qui, sachant que la lutte contre ce virus est une lutte de longue haleine et qu’il va falloir peut-être s’habituer à cohabiter avec lui, évoquent la fameuse immunité collective. C’est le cas, par exemple, du professeur Idir Bitam qui, dans une contribution parue dans El-Watan du 9 juillet, s’exprime en ces termes : «Pour moi, on doit affronter le Covid-19 par un déconfinement réfléchi, c’est-à-dire laisser faire l’immunité collective en protégeant les personnes âgées, les malades chroniques et les obèses». Sauf qu’à ce stade de la pandémie, il nous semble que ce soit déjà trop tard pour faire machine arrière. Ou, dans tous les cas, cela ne servira pas à grand-chose. Nous payerons finalement un lourd tribut à cette pandémie particulièrement parmi les professionnels de la santé qui ont été soumis, depuis cinq mois maintenant, à de grosses charges virales et au burn out.
Alors que, normalement, on devrait s’attendre à une disparition progressive de l’épidémie du Covid-19, c’est l’inverse qui se produit. C’est plutôt à une recrudescence des cas que l’on assiste aujourd’hui, en Algérie.
Comment peut-on expliquer cela ? Est-ce parce qu’on diagnostique plus facilement cette pathologie virale ? Est-ce parce que les mesures de distanciation sociale ne sont pas respectées par nos concitoyens ? Ou y aurait-il d’autres raisons physiopathologiques liées à la nature même du virus (mutations) qui échapperaient pour l’instant aux médecins et aux scientifiques ?
Nous pensons qu’il s’agit de tout cela à la fois.
En conclusion, restons quand même positifs et pleins d’espoir car chaque jour qui passe et que nous sommes encore vivants est une victoire contre le virus.
Le Covid-19 n’est pas une malédiction divine. C’est un virus qui peut frapper indistinctement personnes âgées ou jeunes. Il frappe les personnes qui sont au mauvais endroit au mauvais moment ; autrement dit, nul n’est à l’abri de cette infection virale.
Mais faisons en sorte d’éviter les mauvais endroits – espaces fermés, rassemblements humains. Restons toujours vigilants et respectons les mesures de distanciation sociale !
A. G.
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