Paiement à l’avance du loyer de 12 à 24 mois : une aberration qui bloque l’entrepreneuriat
Par Mohamed Sayoud – La pandémie du coronavirus est une tragédie qui porte à l’économie algérienne et au monde entier un coup d’une gravité sans précédent avec des répercussions socio-économiques qui s’annoncent d’une ampleur inégalée.
L’Etat doit imposer un règlement général pour imposer la règle de percevoir le loyer que mensuellement, comme partout dans le monde et non pas un an à l’avance.
Toutes les parties prenantes doivent activer dans ce sens, à travers une plateforme commune, un sondage, etc. Le changement doit s’arracher par une nouvelle réglementation du secteur des baux de location et le sujet doit être essentiellement pris en charge par les concernés.
En Algérie, pour débuter une activité, les commerçants, les investisseurs et les ménages doivent payer un loyer anticipé de 12 à 24 mois ! Une obligation qui n’existe nulle part dans le monde puisque c’est contreproductif et non économique. Cette problématique est le premier rempart qui freine les nouveaux investisseurs, de même pour les ménages. Les jeunes Algériens ne se marient pas car ils n’ont pas les moyens pour le payement du loyer au moins un an à l’avance.
Suite à la crise sanitaire actuelle et avec le système de loyer instable, l’opérateur économique est bloqué, les commerçants se sont ruinés car ils ont payé leur loyer au préalable sans avoir exercé leur activité.
C’est une véritable hécatombe qui a subitement frappé notre économie qui s’enfonce chaque jour davantage en raison de la crise sanitaire du Covid-19. La cote d’alerte a pourtant été́ largement atteinte avec la mise au chômage partiel de 50% des fonctionnaires et des employés du secteur public et la fermeture de l’écrasante majorité́ des fonds de commerce privés.
Même le commerce informel, qui assure une part non négligeable d’emplois et de revenus, en a pris un rude coup du fait de la réduction drastique des revendeurs et clientèles qui animaient, il y a quelques semaines à peine, les marchés de cette sphère.
La situation actuelle devient critique car elle va mener à l’appauvrissement de beaucoup de commerçants. En effet, aujourd’hui, les commerçants se sont ruinés en payant des loyers qu’ils ne peuvent exploiter d’autant plus que les propriétaires des locaux n’ont fait aucun geste auprès de leurs locataires, par exemple leur rembourser le loyer de deux ou trois mois.
Le fait d’exiger le paiement des loyers de 1 à 2 ans à l’avance c’est contreproductif et freine l’entrepreneuriat, la création d’emplois et la richesse. L’argent est bloqué dans les loyers, résultat : pas de recettes, un blocus total et sans fond de roulement et les caisses des commerçants et des opérateurs économiques sont vides.
L’Etat doit intervenir afin de réguler le marché de la location, en interdisant l’avance sur les loyers, en privilégiant le dépôt d’une caution de 3 mois au maximum, tout en sachant que les mauvais payeurs font partie des risques du métier. Il existe, par ailleurs, des assurances pour les risques encourus par les bailleurs.
L’index et l’inflation doivent être pris en considération car le propriétaire du bien immobilier n’a pas le droit d’augmenter le loyer délibérément sous peine de faire sortir le locataire. Partout dans le monde, on augmente les prix du loyer en fonction du taux d’inflation qui reste dérisoire en Algérie ( grand max 5%).
Certes, il y a l’offre et la demande mais l’Algérie doit aussi prendre la responsabilité́ de construire assez de locaux, de hangars pour les louer aux investisseurs à des prix raisonnables afin de booster l’investissement productif. Ceci permettra la création de la richesse, des emplois et de dynamiser la croissance économique hors hydrocarbures.
Si tous les porteurs de projets sont solidaires sur une nouvelle réglementation des locations d’espaces de travail pour les services et la production, cela réglera le problème.
Par ailleurs, des mesures d’indemnisation en faveur des travailleurs qui ont perdu leur emploi doivent être prises pour que les Algériens ne se sentent pas abandonnés, sachant que ces personnes ont été privées de leur unique revenu. Il est du devoir du gouvernement de trouver des solutions à ce fléau. On estime que 2 milliards d’euros suffiraient largement à pallier tous les dégâts collatéraux de la pandémie, avec une bonne gestion du montant alloué et visé des dépenses rapides et bien ciblées.
Dés à présent, il convient de supprimer toutes ces entraves. Pour cela, on doit commencer à travailler sérieusement et à œuvrer pour le bien de notre pays ainsi qu’à notre peuple. C’est la seule voie afin de créer les millions d’emplois qui nous manquent et de la richesse pour l’essor de notre économie. Il est plus que temps d’agir en créant un dynamisme pour inciter, faciliter et encourager l’investissement industriel, agricole, agroalimentaire, NTIC, dans les énergies renouvelables et le tourisme pour diversifier et booster l’économie et ne plus dépendre uniquement du secteur des hydrocarbures. On doit accorder de l’importance au temps.
M. S.
Consultant international en investissement industriel
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