Tebboune en a fait cas à demi-mot : vers une nouvelle réconciliation nationale ?
Par Abdelkader S. – Les Algériens doivent serrer les rangs ; sans quoi, l’Algérie ne sortira pas de la crise. C’est Abdelmadjid Tebboune qui l’a déclaré lors de son intervention télévisée, ce dimanche soir. Le président de la République fait-il allusion à une nouvelle politique de réconciliation nationale qu’il compte entreprendre pour mettre fin aux séquelles profondes laissées par la courte parenthèse Gaïd-Salah, qui a failli provoquer une dichotomie profonde dans le pays à cause de ses discours haineux et de son attitude despotique ?
Tebboune semble convaincu, en tout cas, que la cassure qui a suivi la déchéance de l’ancien président de la République, Abdelaziz Bouteflika, et la prise du pouvoir par la force – mas subtilement – par son ancien vice-ministre de la Défense ne l’aideront pas à mener à terme son programme qu’il veut «plier» en un seul mandat, comme il l’a laissé entendre lors de ses récents entretiens accordés aux médias français France 24 et L’Opinion. Aussi Tebboune a-t-il besoin de transcender les divisions et les clivages nés du sursaut populaire du 22 Février 2019 et des tentatives de récupération du mouvement de contestation pacifique par les milieux islamistes et des agents au service d’agendas étrangers, notamment turc.
On ne sait pas encore quelle forme prendrait cette nouvelle réconciliation nationale qui diffère dans la forme comme dans le fond de celle héritée de l’ancien Président qui avait, au début de son premier mandat, compris qu’il n’allait pas pouvoir diriger le pays si, auparavant, il ne tournait pas la page des dix ans de tragédie nationale qui avait failli détruire le socle de la République et imposer un régime théocratique moyenâgeux, n’eût été l’intervention salutaire de l’armée en janvier 1992, suite à une forte demande de larges franges de la société civile, incarnée notamment dans le Comité national de sauvegarde de l’Algérie (CNSA).
Beaucoup ont, cependant, reproché à Bouteflika d’avoir permis aux éléments des groupes islamistes armés de reprendre une vie normale, sans avoir auparavant été jugés et d’avoir ainsi effacé tous les crimes commis par les nervis d’Ali Benhadj et Abassi Madani qui ont pourtant mis le pays à feu et à sang. Une démarche qui ressemblait moins à une «concorde» qu’à une solution de «rafistolage» politique, motivée par le besoin de gagner l’adhésion des islamistes qui ont profité de l’aubaine que venait de leur offrir Bouteflika pour fructifier leurs affaires impunément sur le marché parallèle et de reprendre leur prosélytisme librement.
Cette fois-ci, c’est surtout d’économie qu’il s’agit. Bien que Tebboune ait réitéré sa position vis-à-vis des procès en cours et renouvelé sa promesse de récupérer l’argent public volé, il n’en a pas moins expliqué qu’il ne comptait pas faire table rase de tout ce que ses prédécesseurs ont réalisé. «Les pouvoirs successifs [en Algérie] ont l’habitude d’affirmer que tout ce qui a été fait avant eux était l’enfer et que ce qu’ils s’apprêtent à réaliser sera le paradis», a-t-il ironisé, mais sans aller plus loin dans son constat. Il est vrai qu’Abdelmadjid Tebboune, qui fut longtemps ministre sous le règne de son prédécesseur, ne peut se tirer une balle dans le pied en reniant des «acquis» à la réalisation desquels il a lui-même participé, notamment en matière de logement social. Une politique qu’il promet, d’ailleurs, de poursuivre, à chacune de ses interventions.
Jusqu’où Abdelmadjid Tebboune pourra-t-il aller dans sa démarche réconciliatrice, sachant que l’opinion publique est extrêmement remontée contre les dignitaires du régime Bouteflika et les hommes d’affaires qui ont prospéré grâce à leur proximité avec l’ancien cercle présidentiel ?
A. S.
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