Le Monde : «Le contentieux mémoriel avec l’Algérie est un champ de mines»
Par Mohamed K. – Le Journal français Le Monde est revenu sur la décision de Tebboune et Macron d’ouvrir le dossier sensible de la mémoire qui «empoisonne la relation franco-algérienne depuis l’indépendance». Dans un long article consacré à ce sujet polémique, intitulé «France-Algérie : l’espoir prudent d’un apaisement des mémoires», le quotidien de gauche estime que «l’affaire est un champ de mines» et que Macron «avance par petits pas et menus gestes» car «il le sait pertinemment». Le Monde rappelle que le successeur de François Hollande «confère au défi mémoriel de la Guerre d’Algérie […] à peu près le même statut que la Shoah pour Chirac en 1995, selon ses propres mots, prononcés en janvier au retour d’un voyage à Jérusalem».
«Terrain complexe», selon Le Monde, le travail mémoriel confié à l’historien Benjamin Stora, côté français, sera encadré par le Président lui-même qui «devra lui remettre des recommandations sur les gestes à effectuer et les actions à engager dans les mois et années à venir, dans notre pays comme dans ses liens avec l’Algérie, afin d’avancer dans ce travail de mémoire si difficile et pourtant si nécessaire à notre avenir, selon les termes de la lettre de mission reçue par Benjamin Stora». Le but recherché par le Président français, rappelle Le Monde, «est d’aboutir à l’apaisement et à la sérénité de ceux que [la Guerre d’Algérie] a meurtris, (…) tant en France qu’en Algérie».
Pour le journal, il est cependant «encore bien trop tôt pour assurer que les vicissitudes d’une relation bilatérale tourmentée ne viendront pas empoisonner le processus», en s’appuyant sur l’argument du «passé récent» qui «incite à la prudence». Le Monde explique ses réserves : «Le projet d’un traité d’amitié échafaudé dans la foulée d’un voyage réussi de Jacques Chirac à Alger, en 2003, avait été torpillé deux ans plus tard par l’adoption de la fameuse loi du 23 février 2005, dont l’un des articles enjoignait aux manuels scolaires de reconnaître le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord.» «Jacques Chirac a eu beau obtenir début 2006 l’abrogation par décret du sulfureux article, le mal était fait. A Alger, la colère soulevée par ce qui a été perçu comme une tentative de réhabilitation de la colonisation a remisé pour longtemps les efforts d’une réconciliation des mémoires», note le journal.
Et de s’interroger : «Cette fois-ci sera-t-elle la bonne ?» «Le chef de l’Etat algérien parviendra-t-il à faire prévaloir une approche a priori plus ouverte ?» «Le fait est que le dialogue s’amorce», assure Le Monde qui croit savoir que les responsables algériens ont décelé «des signes de bonne volonté du Président français» qui a qualifié, «avant même son élection, en février 2017» la colonisation de «crime contre l’humanité», avait «reconnu que Maurice Audin avait été torturé puis exécuté ou torturé à mort par des militaires français» et «honoré sa promesse de restituer à l’Algérie les crânes de vingt-quatre résistants algériens décapités en 1849 dans le Sud-Constantinois par les troupes françaises, qui avaient été conservés depuis au Musée de l’Homme, à Paris».
«Jusqu’où les deux capitales pourront-elles aller ?» «Une entente est-elle possible sur toutes [les] plaies mal cicatrisées, source de crispations mémorielles récurrentes ?» s’interroge encore Le Monde qui admet qu’«il reste à l’Etat français à faire la vérité sur des centaines d’autres disparitions non encore élucidées».
M. K.
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