Louisa Hanoune : «Personne n’a le droit ni la légitimité de s’ériger en directeur du Hirak»
Par Mounir Serraï – Louisa Hanoune ne voit pas la fin de l’arbitraire en Algérie, avec le maintien du même système politique. Dans un entretien à LSA Direct, la passionaria du Parti des travailleurs (PT) considère que «tant que ce système n’est pas parti, il y aura toujours de l’arbitraire, il y aura toujours des arrestations». Evoquant les détenus d’opinion qui demeurent en prison, celle qui a été libérée en février dernier après un procès en appel parle d’une «étrange dualité politique».
«D’un côté, on constate des mesures d’apaisement avec, notamment, la libération récemment de quelques détenus. Logiquement, on se serait attendu à ce qu’il y ait davantage. Eh bien, non ! On libère et on arrête le même jour et c’est en cascade. La liberté de la presse et la liberté d’opinion sont confisquées. Cette dualité traduit la crise du système et ses contradictions internes. Et, en même temps, cette crise fait que ce système n’a pas de réponse démocratique à apporter puisqu’il veut se maintenir coûte que coûte. C’est très injuste et, en même temps, c’est en contradiction avec tout ce que nous entendons sur la nouvelle République et les promesses d’ouverture», souligne Louisa Hanoune.
La porte-parole du PT assure que la prison n’a fait que renforcer ses convictions politiques et l’idée de la nécessité d’en finir avec le système qui persiste depuis 1962. «Le système politique qui nous étouffe depuis 1962 est toujours là, avec les mêmes rapports clientélistes, basés sur la courtisanerie, avec les mêmes pratiques, la même répression, avec les mêmes atteintes aux libertés et avec les mêmes politiques», dénonce-t-elle. «Aussi bien sur le plan médiatique que sur le plan du multipartisme, il y a une pression qui est terrible. Il me semble que la démocratie politique en général est en danger», alerte-t-elle.
Louisa Hanoune estime que le mouvement populaire du 22 Février, qui a marqué une pause en raison de la crise sanitaire, a une aspiration politique profonde à la souveraineté du peuple. Autrement dit, les millions d’Algériens qui étaient sortis dans les rues réclamaient une démocratie politique avec, bien entendu, son contenu socio-économique, affirme la première responsable du PT pour laquelle qu’il s’agissait d’un «Hirak révolutionnaire», qui était «le produit de décennies de lutte, de privations et d’accumulations».
Pour elle, cette rupture avec le système était prévisible, rappelant qu’elle ne cessait d’alerter «depuis au moins deux ans» sur cette situation et sur la nécessité d’une refondation de l’Etat en changeant le système de gouvernement. Louisa Hanoune insiste, en revanche, sur la spontanéité de ce mouvement populaire, estimant que personne n’a le droit ni la légitimité de s’ériger en directeur du Hirak. Pour elle, il serait «dangereux de vouloir lui dicter une trajectoire» et il serait «fatal» pour le Hirak de «se dissoudre dans un moule homogène». L’invitée de Hakim Laâlam estime que la seule organisation possible est «la mise en place de comités d’unité d’action». Elle considère que cette forme d’organisation pourrait s’avérer utile. «Surtout, a-t-elle insisté, lorsqu’on sait que certaines forces (qu’elle n’a pas nommées, ndlr) venaient aux marches dans des carrés organisés et avec des banderoles qui sentaient les gros sous».
Louisa Hanoune fait allusion aux carrés islamistes qui se distinguaient notamment par leurs nombreuses banderoles géantes, réalisées dans des imprimeries à coup de centaines de milliers de dinars.
M. S.
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