Votre démocratie n’est pas la nôtre !
Par Saadeddine Kouidri – Les islamistes ne se sont opposés aux régimes des républiques nouvellement indépendantes qu’au lendemain de l’annonce du programme des directions politiques qui comportaient les nationalisations dont la réforme agraire. Leur violence, dirigée contre le peuple qui ne les suivait pas, avait atteint le summum de l’horreur dans les années 1990, avec les GIA, l’AIS, le FIDA, bras armés du FIS, et dépassait l’entendement. Elle rappelait à la fois l’acte colonial et le fascisme. Les islamistes livraient la guerre principalement à tous ce que la réforme agraire charriait. Les peuples l’avaient imprégnée au Mouvement de libération.
La difficulté des mouvements citoyens de ces dernières décennies dans les différents pays prend racine dans cet antagonisme que l’idéologie dominante s’est donné comme tâche d’estomper, particulièrement aux yeux de la jeunesse. Cette idéologie atteint le summum comme son aile armée, le GIA, puisqu’elle arrive à berner de hauts responsables politiques des plus aguerris, à l’image de Sadek Hadjeres. Ces démocrates estompent, plus que l’idéologie dominante, l’image de la réaction.
L’opposition entre l’islamisme et la laïcité n’est que la moitié de la vérité, qui cache forcément l’autre moitié, à dessein. Effectivement, il est aberrant de parler de démocratie tout en parlant de religion et particulièrement de loi divine, charia. La loi divine est incompatible avec la politique d’aujourd’hui. La séparation du religieux de la sphère publique est une nécessaire condition. Si les Etats une fois indépendants n’avaient pas à leur programme la défense de leur peuple, la terre à ceux qui la travaillent, la gratuité de l’enseignement, des soins, etc., il n’y aurait jamais eu la politisation de la religion. Celle-ci serait restée dans la sphère privée, sa véritable place, comme elle l’a été tout le long de la colonisation par exemple, puisque même la colonisation nous préfère musulmans. Ne nous a-t-elle pas élevé du statut d’indigène à celui de «Français musulman» après la Seconde Guerre mondiale ? Ben Badis n’aurait-il pas été comblé s’il y avait vécu ?
Si la religion vient au secours du pauvre pour le consoler, l’islam politique, quant à lui, sert à couvrir les injustices des puissants. L’exemple n’est-il pas dans ces chefs islamistes qui se sont enrichis dans la décennie où ils semaient la terreur pendant que leurs acolytes s’appropriaient des biens d’autrui pour une bouchée de pain. Et cette pratique s’est incrustée dans le milieu de l’Etat jusqu’à sa privatisation par des aventuriers qui ont en commun cette religiosité qu’ils affichent à tout bout de champ jusqu’à l’obséquiosité, qui nous est servie à voir et à entendre dans la radio et la TV, partout de la part des officiels et dans tous leurs programmes ! Il est utile de rappeler ces images qui montrent les mêmes personnages en train de prier dans la mosquée et quelque temps après les voir en prison.
L’idéologie dominante nie l’antagonisme de classe pour ramollir la conscience, et de «nous sommes tous frères» on est passé à «gaâ le’lqaâ» (tous au fond du puits). L’idée est de semer la confusion entre la victime et le coupable, entre la démocratie bourgeoise et la démocratie populaire et taire l’antagonisme jusqu’au jour où les assassins domineront la rue et feront obligatoirement sortir l’armée ou s’approprieront l’Etat.
Les jeunes républiques ont toujours été entre l’enclume et le marteau. La fonction principale de l’idéologie est d’entretenir la confusion, faire croire que le problème est la solution. Pour les islamistes, l’ennemi du peuple est le pouvoir et pour le pouvoir faire croire au peuple que son unique ennemi est la politique ! Comme l’idéologie inverse la réalité, pour s’en sortir de son stratagème diabolique, la double rupture, avec le pouvoir et l’islamisme s’impose comme la solution. En réalité, lors de la transition, ils ont en commun le système rentier. Si les islamistes ont un projet de société, celui d’appliquer la charia dans l’oumma, le pouvoir, lui, est tenu de faire fonctionner cet Etat hybride ! Elle le demeurera tant qu’elle n’adjoint pas la lutte contre le terrorisme avec la lutte contre l’islamisme. Comme le préconisait le fameux chef d’état-major Mohamed Lamari, ce général était un patriote et s’est fait avoir par le couple Bouteflika-Toufik. Comme quoi, les généraux ne sont pas du même bord et le civil n’est pas obligatoirement une référence.
La finance vient d’étoffer la banque d’un compte courant, d’un compte chèque et d’un compte épargne islamique.
Des antidémocrates et des islamistes liés à la finance internationale cherchent, chacun à sa façon, de monopoliser ce système rentier que Bouteflika avait réussi à faire. La lutte est qualifiée par certains de guerre des clans, pour ne pas éveiller les soupçons. Leur tactique est de nous contenir dans la plus vieille idéologie, ce ferment de la théocratie. Rien n’a changé jusque-là.
«La plupart des responsables qui ont défilé à la tête de l’Anep n’ont travaillé que pour leur compte, leur clique et ceux qui les ont placés, révèle le nouveau PDG de l’Anep. Il précise que l’agence a eu à gérer un portefeuille de plus de 15 000 milliards de centimes ces 20 dernières années.» Cette information veut-elle faire croire qu’il y a un changement ? Oui, un changement dans la forme puisqu’on a dit plus haut que la finance avait créé trois comptes islamiques.
Si nous devons tirer une seule leçon de la pandémie actuelle, c’est celle de la prise en charge de la santé des populations à travers le monde. Nous constatons que là où le privé domine le Covid-19 a fait des ravages et que là où le secteur public était développé le Covid-19 a été contenu jusqu’à zéro victime. Et si on compare un pays capitaliste comme la France avec un pays socialiste comme le Vietnam, il n’y a pas photo. Le Vietnam devient un exemple face aux défis actuels. Cette République est d’une démocratie populaire et non une démocratie bourgeoise, comme la France. Ceux qui se prétendent démocrates devraient débattre de ces deux démocraties au lieu de nier l’autre forme. Ce qui permet au loup de s’introduire dans la bergerie, comme cela s’est fait au Hirak.
La santé est primordiale, et nous savons que le médicament dans les pays occidentaux est devenu une affaire de sous. Tous les problèmes du professeur marseillais Raoul par exemple ont pour origine son utilisation de l’ancienne méthode de recherche alliée à la méthode chinoise rapide contre le Covid pour l’hydroxychloroquine. Cette combinaison réactualise une ancienne molécule, un générique et ne génère donc pas de bénéfice comme une molécule nouvelle. Quand on sait que «la recherche fondamentale est généralement menée par les organismes publics ou subventionnés, tandis que la recherche de traitements, forcément à base de molécules nouvelles pour pouvoir breveter, est menée par les laboratoires pharmaceutiques» privés. Ce constat et bien d’autres nous poussent forcément à dire que la démocratie populaire est plus apte que la démocratie bourgeoise pour mieux nous protéger à l’avenir. C’est le débat qui donnera à la démocratie algérienne sa spécificité pour qu’elle sauvegarde notre peuple tout en l’encourageant à toujours plus de solidarité, à l’instar de ce qui se fait avec le Sahara Occidental et le Liban suite aux explosions du 4 août 2020.
La double explosion de mardi à Beyrouth rappelle la bombe atomique, larguée par l’armée américaine sur Hiroshima, il y a 75 ans, le 6 août 1945. Ce n’était pas un accident comme aujourd’hui à moins que cela soit des missiles, comme le suppose le président libanais Michel Aoun et, dans ce cas, seul Israël de Netanyahu seraient capables d’un acte aussi barbare pour nous rappeler celui du président Truman sur Hiroshima.
On remarque que les assassins prennent de plus en plus l’habitude dans de tels cas à nous faire croire qu’ils ont de la peine pour nos victimes ; aujourd’hui pour le Liban qu’ils n’ont cessé de diviser, d’affaiblir, tout en se précipitant pour le dénuder du peu d’Etat qui lui reste.
S. K.
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