Sadi relève une «troublante symétrie» entre les drames libanais et algérien
Par Houari A. – L’ancien président du RCD a affirmé que le Liban, «pris en otage par une classe dirigeante prédatrice, sous haute et permanente surveillance par des voisins rapaces et asphyxié par des bailleurs de fonds qui voient en Beyrouth un nid d’espions où solder les sempiternelles ambitions et intrigues qu’ils projettent sur le Levant à la croisée des chemins, ne peut plus différer la question de la laïcité».
S’exprimant sur sa page Facebook en réaction au drame qui a fait plus de 150 morts, des milliers de blessés et rasé une partie de la capitale libanaise, Saïd Sadi estime qu’il faut, «maintenant que l’émotion engendrée par l’explosion cataclysmique du port de Beyrouth commence à retomber», se poser la question de savoir «ce que peut donner à lire aux Algériens cette tragédie». «Pourquoi et comment un peuple qui essaime dans le monde entier depuis les Phéniciens et qui réussit ses greffes partout où il se pose assiste, aujourd’hui, impuissant à la banqueroute de son pays ?» s’interroge-t-il, en rappelant que dans «ce pays confessionnel, construit sur les appartenances religieuses sunnites, chiites, catholiques et druzes», «les institutions y valent ce que veulent les clientèles maffieuses qui les hantent». «La seule règle qui y règne est, en fait, ajoute-t-il, inspirée et régie par la violence et la corruption.».
Le fondateur du RCD, exilé en France, fait remarquer qu’il existe un «sentiment de déjà vu pour tout Algérien qui suit la descente aux enfers de son pays». «Combien de présidents et de chefs de gouvernement ont été assassinés ? Les aides financières, destinées à soulager la détresse de populations qui vivent dans des guerres endémiques depuis bientôt un demi-siècle, sont captées par des féodalités locales qui les déroutent vers des paradis fiscaux avant leur affectation aux secteurs auxquels elles étaient dédiées et, pour certaines d’entre elles, avant même leur enregistrement à la Banque centrale libanaise. Des oligarques saignent impunément le pays et font exécuter leurs oukases par leurs marionnettes respectives. Des services de sécurité, invisibles pendant les jours qui ont suivi la catastrophe qui a fait plus de 150 morts et disparus, ont été mobilisés avec armes et bagages pour tirer sur la foule qui se pressait devant les grandes institutions pour exiger le départ d’un régime à l’origine de son malheur. Des journalistes qui ont crié leur colère avec leur peuple ont été menacés de mort. Pour couronner le tout, des jeunes ont demandé au Président français, accueilli en sauveur, de prendre les mesures nécessaires pour sanctionner leurs bourreaux», écrit-il.
Et de faire le parallèle avec des événements similaires dans notre pays : «Des dirigeants assassinés – d’Abane à Boudiaf, en passant par Khemisti, Khider et Krim, sans compter les exécutions camouflées –, une diaspora performante à l’extérieur et constitutionnellement marginalisée dans son pays d’origine, des services de sécurité dont la première mission est la protection d’El-Mouradia contre les ennemis intérieurs, des oligarques font main basse sur la ressource nationale, des policiers offrent des Corans à des médecins livrés à eux-mêmes face à l’épidémie du Covid-19, geste souligné par l’omnipotence de religieux qui imposent au gouvernement le sacrifice du mouton de l’Aïd en pleine pandémie, malgré les recommandations du Conseil scientifique, et des journalistes qui sont emprisonnés pour avoir dit l’exaspération de leur peuple», note-t-il.
Pour Saïd Sadi, ce sont «autant de décisions et situations qui font écho aux turpitudes libanaises dans une troublante symétrie». «Pour clore cette affligeante similitude, souligne l’auteur de L’Algérie, l’échec recommencé, il n’est pas inutile de rappeler une scène bien cruelle : en 2003, un Président français, Jacques Chirac en l’occurrence, derrière lequel s’abritait piteusement un certain Bouteflika, est triomphalement accueilli par les jeunes de Bab El-Oued qui le suppliaient de leur délivrer des visas». «En vérité, nous avons été les pédagogues de la faillite libanaise. Nos turpitudes nous auraient enterrés il y a bien longtemps si les effluves pétrolières n’avaient pas masqué nos pestilences», a regretté Saïd Sadi.
«Quelle autre explosion faudra-t-il attendre pour que les responsables qui s’échinent à maquiller la ruine nationale prennent la mesure du désastre algérien ?» s’est-il interrogé, dubitatif, en faisant remarquer que «le pouvoir qui a pu faire neutraliser la désobéissance civile qui émanait de la rue lors de l’insurrection citoyenne serait bien inspiré de se souvenir qu’il y a des souffles de l’histoire qui sont plus forts que les déflagrations d’ammoniac». «Ils seraient peut-être aussi bien inspirés de noter ce signe d’une justice immanente : la demeure d’un oligarque algérien réfugié à Beyrouth a été lézardée par l’explosion qui a dévasté les habitations jouxtant le port», a-t-il rappelé, en reprenant l’information révélée par Algeriepatriotique.
H. A.
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