Le Makhzen assommé : après la raclée de l’UE, la claque sonore du PAM
Par Hocine Belaid – Décidément, en cet été 2020, le Maroc et sa diplomatie monothématique accumulent de sévères déconvenues au niveau des principales capitales européennes sur la question du Sahara Occidental. Après les multiples avanies subies à Bruxelles, c’est au tour de Rome, qui abrite le siège du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies, d’anéantir les illusions du Makhzen sur les questions de l’aide et du recensement des réfugiés sahraouis. Eclairage sur un procédé retors et malhonnête révélé au grand jour par une note verbale officielle du PAM.
Jamais la diplomatie monothématique du Maroc n’aura autant cassé les codes et foulé aux pieds les us et pratiques diplomatiques pour sauver ce qui reste de sa prétendue «cause nationale» dont la fiction a été définitivement enterrée par le haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Josef Borrell. Dans une toute récente dépêche de l’agence officielle marocaine, qui en a profité pour s’en prendre misérablement à l’ambassadeur d’Algérie à Bruxelles, la MAP prétend rapporter une «mise au point musclée» (sic) de l’Union européenne en oubliant, bien entendu, de signaler à ses lecteurs que le haut représentant a martelé, une nouvelle fois, que «l’UE considère le Sahara Occidental comme un territoire non autonome dont le statut final sera déterminé par le processus onusien en cours». Exit la fiction de souveraineté marocaine sur un territoire tiers «séparé et distinct», selon les termes consacrés de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. Cette réponse, gravée dans le marbre des instances communautaires, est consultable sur le site du Parlement européen et elle renseigne sur les «divagations» de Rabat, pour reprendre le terme du journaliste, en mal d’inspiration, qui a bâclé ladite dépêche.
En perte de vitesse, sur les deux questions essentielles, relatives à la souveraineté permanente du peuple du Sahara Occidental sur ses ressources naturelles et au nécessaire respect et monitoring indépendant des droits de l’Homme dans les territoires sahraouis occupés, le Maroc s’est résolu, ces derniers mois, à dépoussiérer sa vieille rengaine sur le prétendu «détournement» de l’aide humanitaire destinée aux réfugiés sahraouis, en exhumant et en décontextualisant un vrai-faux rapport de l’Office européen de lutte contre la fraude (OLAF), vieux de treize ans et ayant fait l’objet de multiples dénégations tranchées et catégoriques de la part des plus hautes instances décisionnelles de l’UE.
Face à l’avancée inexorable des procédures judiciaires en cours en vue de l’annulation des accords scélérats en matière agricole et de pêche et en raison de la sollicitude croissante de la communauté internationale à l’égard du dernier cas de décolonisation en Afrique, la diplomatie marocaine a instruit l’ensemble de ses chancelleries en Europe de mener une large campagne de dénigrement du Front Polisario et de l’Algérie, quitte à pactiser avec l’extrême droite européenne, pour tenter de faire accréditer la thèse farfelue et mensongère du détournement de l’aide humanitaire destinée aux réfugiés sahraouis. Le recours en force aux relais médiatiques obscurs et vénaux (comme la revue italienne Insideover ou encore le site italien Informazione campania dont le «journaliste» tague l’ambassadeur du Maroc à Rome pour chacun de ses tweets pro-marocains en guise de compte-rendu) et à certaines ONG pro-marocaines (comme l’ONG italienne Nessuno Tocchi Caino, dont le site internet comporte une carte du Maroc englobant le territoire occupé du Sahara Occidental) nous éclaire sur le modus operandi primaire mis au point par la diplomatie marocaine : lancer une vaste campagne de désinformation par le biais de députés vassaux (belges, bulgares) ou appartenant à la mouvance nauséabonde et islamophobe de l’extrême droite (française, italienne, tchèque, etc.), puis essayer ensuite de mettre la pression sur certains organismes du système des Nations unies, comme le Programme alimentaire mondial (PAM) pour les amener à reconsidérer leurs actions humanitaires en direction des réfugiés sahraouis.
C’est à ce procédé, très peu glorieux, qu’a recouru l’ambassade du Maroc à Rome. Se saisissant d’un projet de résolution, déposé par trois eurodéputés de l’extrême droite et qui finira dans la corbeille à papier de l’hémicycle (le groupe politique identitaire Identité et Démocratie n’a jamais réussi à faire passer un seul texte au Parlement européen), cette mission a adressé, en date du 10 juillet 2020, une note verbale au PAM pour instrumentaliser ce projet mort-né de l’extrême droite en appelant, pêle-mêle, à un «audit» de l’aide européenne «détournée», à un «recensement» des réfugiés sahraouis, le tout en écorchant au passage le pays hôte des réfugiés, accusé de prélever au passage une taxe de 5% sur l’aide détournée (sic).
Autant de verbiages creux, inconsistants et infondés que le PAM a balayés d’un revers de la main dans une réponse cinglante datée du 21 juillet. Usant d’un ton tranché et ferme, cette agence onusienne «réaffirme l’engagement pris lors de la session annuelle du conseil d’administration en juin 2019 et la note verbale du 14 mai 2020 selon laquelle l’assistance humanitaire dans les camps de Tindouf en Algérie continuera d’être fournie aux personnes vulnérables à l’insécurité alimentaire, conformément aux principes humanitaires, d’humanité, d’impartialité, d’indépendance et de neutralité».
Sur la question du recensement, le PAM rappelle que «tout recensement des populations de réfugiés relève de la responsabilité du gouvernement hôte et de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR)». Et d’ajouter que «le PAM estime le nombre de personnes ayant besoin d’une assistance alimentaire sur la base d’une méthodologie d’évaluation objective, en collaboration avec d’autres agences humanitaires».
Avant d’asséner un coup fatal aux desseins marocains visant en fait la réduction de l’aide dans le contexte de la crise sanitaire, en soulignant que «la pandémie du Covid-19 a nécessité une augmentation temporaire de la réponse humanitaire dans les camps de Tindouf, qui a été confirmée par une enquête rapide d’impact sur les ménages, réalisée en avril 2020. En outre, la décision en avril 2020 d’augmenter de manière temporaire le nombre de bénéficiaires a été bien évidemment validée par tous les partenaires sur le terrain, y compris les partenaires des Nations unies, les donateurs et le gouvernement hôte».
S’agissant des allégations mensongères sur une taxation de l’aide humanitaire par l’Algérie, le PAM affirme qu’il «n’est soumis à aucune imposition par le gouvernement algérien et est exonérée de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en Algérie, comme dans tous les autres pays où nous opérons. Le soutien du gouvernement algérien aux camps de Tindouf comprend la facilitation du dédouanement et des opérations portuaires et du transport des fournitures humanitaires jusqu’aux camps». Sur cette question spécifique de la TVA, vendue par les chancelleries marocaines aux eurodéputés «de proximité», l’ambassadeur d’Algérie à Bruxelles, Amar Belani, avait démenti formellement ces allégations mensongères, en rappelant que la législation fiscale algérienne exonère des droits de douane et de la TVA toutes les associations à caractère humanitaire et caritatif qui opèrent en Algérie, en relation avec le Croissant-Rouge algérien.
Enfin, le coup de grâce est donné par l’agence onusienne sur la question de l’audit qui constitue le sujet principal des manigances et «divagations» marocaines, lorsque le PAM confirme qu’il est «régulièrement audité» et que «le dernier audit mené par ECHO sur l’assistance alimentaire en Algérie a eu lieu en 2019 avec des résultats satisfaisants». Circulez, il n’y a rien à voir !
H. B.
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