Inversion des mérites et reconstructions arbitraires et fallacieuses du passé
Par Nouredine Benferhat – Les pouvoirs successifs ont fait main basse sur la production historique. L’exigence de vérité a été passée à la trappe et l’art de la manipulation de l’histoire est devenu l’alpha et l’oméga de cette production. L’imposture intellectuelle a ouvert la voie aux reconstructions plus ou moins arbitraires ou fallacieuses du passé.
Ainsi, une inversion des mérites s’est opérée, jetant dans l’oubli les vrais acteurs de la Guerre de libération et promouvant une catégorie opportuniste au rôle insignifiant.
Il est temps pour l’Etat qui cherche actuellement à consolider la nation de rétablir, dans un souci de justice et de vérité, la réalité historique à travers ses véritables acteurs en hiérarchisant les mérites, d’autant que les structures mentales de notre société ont changé et que notre jeunesse est bien informée.
Etablir une hiérarchie du mérite, c’est procéder avec rigueur, en confiant à une commission, à une révision des baptêmes opportunistes qui ont substitué aux noms de personnages historiques et aux héros et martyrs ceux des personnes qui ont fait de la figuration pendant la Guerre de libération et n’ont joué aucun rôle significatif après l’indépendance pour mériter d’accéder au prestige de la reconnaissance de la nation.
En organisant l’hommage à Mohamed Boudia, assassiné par le Mossad pour son militantisme pro-palestinien, à la Bibliothèque nationale, le but était de rappeler au pouvoir ce que beaucoup d’Algériens savaient de la personnalité et du passé de Mohamed Boudia, fondateur de la première revue culturelle à l’indépendance, auteur et homme de théâtre reconnu dont les œuvres ont été jouées sur plusieurs scènes. Le seul tort de ce héros de la Guerre de libération, c’est d’être resté fidèle à ses engagements en refusant le fait accompli du 19 juin 1965. Mais, aussi, par cette occasion d’attirer l’attention des autorités de l’époque sur l’inversion du mérite dont étaient victimes les véritables héros de notre passé et de l’inviter à donner le nom de ce héros à un lieu de culture. Le cas de Mohamed Boudia, entre autres, est édifiant à cet égard et est, malheureusement, un des nombreux exemples de l’inversion des mérites au profit des manipulateurs de la mémoire.
On a donné le nom de Boualem Bessaïeh à l’Opéra d’Alger pour sa proximité avec l’ancien Président, alors que, dans l’ordre du mérite, comparé aux nombreux hommes de l’art et de la culture au passé révolutionnaire, dont Mohamed Boudia, son nom ne serait jamais apparu. C’est là un des nombreux baptêmes opportunistes.
Aucun lieu ni établissement ne devrait porter le nom d’une personne ayant exercé le pouvoir et n’ayant pas mérité de la nation.
Réservons le baptême des lieux culturels aux noms des hommes et des femmes de l’art et de la culture, des établissements du savoir à ceux et celles du savoir et les établissements militaires et similaires aux noms des héros militaires de la Guerre de libération.
De la même façon, le carré des martyrs, pour son caractère sacré, ne doit être réservé qu’à ceux qui ont exercé des responsabilités pendant la Guerre de libération.
Nous ne verrons plus le nom de responsables, véritables fossoyeurs qui nous ont menés à cette situation, accolé à des établissements universitaires, lieux du savoir auxquels rien ne les relie, sinon d’avoir été les supplétifs et les exécuteurs d’un pouvoir autoritaire, ce qui a valu à notre pays d’être celui des «miracles».
La nation tirera un orgueil mérité de cette remise en ordre mémorielle et s’en retrouvera soudée, fière de son histoire et de son passé.
N. B.
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