Emirats arabes unis : rien de nouveau sous le ciel de la traîtrise
Par Ali Akika – Rien de nouveau, en effet, car la traîtrise, sans remonter à Mathusalem, a été l’alfa et l’oméga de la politique des féodaux du Golfe (1). Pour mieux cerner la nature de cette traîtrise, il n’est pas inutile de rappeler la conjoncture internationale dans laquelle l’accord américano-émirati-israélien a été négocié, sans oublier les objectifs de ses trois acteurs qui pensent que la fiction d’une signature sur papier glacé changerait fondamentalement le cours de l’histoire.
Je fais ces remarques pour pointer du doigt ces «spécialistes» qui nous racontent des balivernes pour être «original». Hélas, l’un de ces zombies, bien de chez nous, ose conseiller aux Palestiniens de devenir des «Palestiniens errants». De nomadiser, donc, pendant 2 000 ans pour devenir intelligent et riche et occuper, ainsi, pour leur salut, une place incontournable dans la politique internationale. C’est l’attitude typique de l’aliéné voulant mimer son oppresseur au lieu de s’imprégner de l’histoire qui rappelle, ici et là, aux ignorants, et ce, à travers le déboulonnage des statuts, que le crime ne paie pas in fine.
La conjoncture internationale est explosive et certains acteurs étatiques jettent de l’huile sur le feu dans le but de sauver leur peau à la tête de leur Etat et d’essayer d’empêcher le cours de l’histoire en train de sonner le tocsin de leur hégémonie. J’ai déjà évoqué, ici, les bouleversements de cette dynamique de l’histoire en faisant référence à l’émergence de grandes puissances économiques et politiques qui remettent en cause la suprématie des armes et du dollar. L’humiliation des Etats-Unis devant le Conseil de sécurité de l’ONU à propos de la prolongation de l’embargo contre l’Iran en est un symbole très fort. Et ces bouleversements se traduisent aussi par des incidents passés sous silence par la presse dominante.
Explosions et nombreux incendies en Iran, incendies également de deux fleurons de la marine de guerre américaine, menace contre quatre navires pétroliers iraniens approvisionnant le Venezuela, explosion gigantesque dans le port de Beyrouth entraînant une armada de navires de guerre –français, anglais, turcs, grecs. Communiqué de la Russie annonçant qu’elle ripostera à l’arme nucléaire contre tout missile en direction de ses frontières. Et la Russie vient de passer à l’acte en déplaçant des troupes aux frontières de la Biélorussie en proie à des troubles et manifestations contestant le résultat de l’élection présidentielle dans ce pays.
Quant à la signature de l’accord Emirats-Israël, personne n’a remarqué la farce du lieu de sa signature et l’ascendant de Trump sur ses deux autres obligés au Moyen-Orient. Nous avons assisté, là, au mépris des règles élémentaires de la diplomatie. Tout ce mauvais théâtre pour simplement faire un coup médiatique aux fins de mettre un peu de couleur aux mornes campagnes électorales de Trump et Netanyahou. Quant au troisième complice, il n’a rien à dire puisqu’incapable d’assurer la sécurité de son pays.
Ce genre de théâtre a été possible parce que Trump et Netanyahou sont imbibés de la philosophie du «choc créateur de la force». Il faut dire qu’en face d’eux, il y a des Etats arabes dépendants des Etats-Unis et qui baissent leur pavillon face à Israël qui leur promet de les défendre contre un ennemi commun : l’Iran, leur cauchemar à tous. Et c’est là où l’Histoire de la région intervient pour expliquer les traîtrises d’aujourd’hui, mais aussi l’émergence d’une résistance contre la présence étrangère qui dérègle peu à peu une machine cynique qui croit détenir toutes les cartes en main.
Rappelons que tous ces Etats arabes du Golfe doivent leur sécurité à leur ancien colonisateur, l’Angleterre et les Etats-Unis, de nos jours. Aussi, il n’est pas étonnant de voir ces dits Etats chercher un nouveau protecteur du côté d’Israël. Ils ont compris que, tôt ou tard, les Etats-Unis déménageront du côté de la mer de Chine et que seul Israël, qui partage leur obsession et la peur de l’Iran, peut leur porter secours. Leur peur est devenue panique à la suite de la chute du Shah en 1978. La naissance de la République islamique d’Iran sera dorénavant un danger qu’il faudra éloigner et éliminer. Pour conjurer ce danger, ils ont financé, avec l’appui des Etats-Unis et de la France, le «laïc-baathiste» Saddam Hussein pour casser l’Iran. Lamentable échec ! Les voilà ensuite qu’ils se retournent contre l’Irak qui dérangeait aussi Israël et les Etats-Unis. A nouveau, ils financent la guerre contre l’Irak et ouvrent grand leur sol «sacré» aux armées de «mécréants» pour se débarrasser de Saddam Hussein.
Cette piètre politique se traduit par un Iran encore plus fort et, qui plus est, devient un bon voisin et allié de l’Irak. Ces échecs politiques et leur haine pathologique de l’Iran les ont poussés peu à peu à donner des gages à leur mentor américain. Israël exploite à la fois son alliance «éternelle» avec les Etats-Unis et la hantise du «danger» iranien pour éloigner «nos» féodaux de la cause palestinienne.
La traîtrise qui éclate au grand jour aujourd’hui a été semée dans la clandestinité parce que honteuse. Le fameux cours de l’histoire qui a joué contre les Palestiniens quand les Etats-Unis étaient au summum de leur puissance connaît, aujourd’hui, quelques ratés à l’allumage. Les «experts» fâchés avec la dynamique de l’histoire continuent de ne pas voir les changements sur le terrain, dus à l’échec de l’armada de vingt-sept pays occidentaux coalisés et des cohortes de groupes armés grassement financés par les féodaux du Golfe. Et, derrière cet échec, il y a des forces étatiques, la Syrie, la Russie et l’Iran, mais aussi deux résistances de type libération nationale, les Libanais du Hezbollah et les Palestiniens encerclés à Gaza.
L’opinion ne le sait pas ou bien l’a oublié, mais ce sont ces deux forces de résistance populaire qui ont écorné le statut de l’armée israélienne réputée invincible. Le 20 mars 1968, à Karameh, en Jordanie, les Palestiniens fêtèrent leur printemps en stoppant net une «promenade» de chars israéliens. De furieux corps-à-corps s’étaient déroulés jusqu’à la tombée de la nuit qui poussera aux envahisseurs de battre en retraite en laissant derrière eux un char calciné. 38 ans plus tard, en 2006, ce sont plusieurs chars, les fameux Merkava qui sont exposés aujourd’hui dans le musée de la résistance libanaise. La guerre dite de «33 jours», de l’année 2006, marque le début de la fin de l’équilibre de la terreur en faveur d’Israël. Depuis cette date, plus un seul soldat israélien n’a foulé le sol libanais. Et le cinéma joué début août par l’armée israélienne qui a liquidé un commando à la frontière nord pour se démentir, arguant que, finalement, on a préféré les laisser retourner chez eux. Magnanime cette armée ou bien a-t-elle respecté l’équilibre stratégique imposé depuis 2006 ?
Ce rapide tour d’horizon sur l’histoire et les remous géostratégiques permet de saisir l’avenir de l’accord concocté par des acteurs qui, à l’évidence, risquent de ne pas goûter aux fruits qu’ils escomptent en cueillir. Une chose est sûre, malgré les traîtrises des accords conclus ou à conclure, la Palestine ne sera pas effacée de l’histoire. Une partie de son peuple est présent sur son sol et la diaspora, éparpillée dans les pays voisins, continue d’entretenir le rêve du grand retour. L’accord signé servira à fructifier le commerce entre les deux entités, mais on peut d’ores et déjà deviner qu’il n’a aucune consistance géostratégique et militaire.
Contrairement aux accords avec l’Egypte et la Jordanie, l’accord avec les Emirats ne fournira pas une sorte de profondeur stratégique neutralisée. Le penser relève non seulement de la naïveté, mais de la pire stupidité. Comment peut-on imaginer pour la défense de l’émirat, voir des bases militaires israéliennes menacer l’Iran à quelques encablures de ses frontières ? La violente réaction de l’Iran qui masque à peine la menace et le mépris, est le signe que cet accord renferme en son sein des variables de déconfitures qui vont se manifester peut-être même avant son officialisation. Du reste, le ministre des Affaires étrangères émirati vient de baisser le ton en disant que l’accord «n’est pas contre l’Iran».
Quant à Israël, on apprend que ni le ministre de la Défense ni celui des Affaires étrangères, tous deux ex-chefs d’état-major de l’armée, n’étaient au courant de l’accord en gestation. Ils ont appris son existence comme tout le monde, par la presse. Bonjour l’ambiance au sein de l’appareil de l’Etat d’Israël et dans la rue grouillant de manifestants à Tel-Aviv, victimes de la crise sociale et touchant 300 euros à peine pour vivre !
A. A.
(1) Le roi de Jordanie fut exécuté en 1951 par un Palestinien révolté par les négociations secrètes avec l’Etat d’Israël. La liste est longue de ces responsables politiques arabes comme Sadate qui alla à Canossa pour récupérer son Sinaï.
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