Sarkozy parle de Bouteflika : «J’ai la nostalgie d’un homme cultivé et gentil !»
Par Nabil D. – L’ancien président français Nicolas Sarkozy a évoqué sa visite en Algérie au lendemain de son élection en 2007, dans son livre Le Temps des tempêtes, paru en juillet dernier aux éditions de L’Observatoire. Le successeur de Jacques Chirac a qualifié son déplacement à Alger de «complexe». «Je tenais à cette prise de contact avec le président Bouteflika tant j’étais conscient de la susceptibilité à fleur de peau de mon interlocuteur. Attendre l’automne aurait été compris comme un manque de respect envers des Algériens toujours très suspicieux s’agissant de leur indépendance, et tout autant à l’endroit des sentiments que les autres, tout particulièrement les Français, leur témoignent», écrit-il.
«Je connaissais déjà le président algérien à qui j’avais rendu visite à plusieurs reprises alors que j’étais ministre de l’Intérieur. J’étais toujours ému au moment de le rencontrer car, à mes yeux, il demeurait l’un des derniers dinosaures du XXe siècle encore en fonction, et même en vie», a-t-il souligné, en rappelant le long parcours de l’ancien chef d’Etat déchu en mars 2019. «On pouvait l’interroger sur tout, il était inarrêtable et passionnant à force de souvenirs personnels et d’anecdotes», a estimé Nicolas Sarkozy. «En sa compagnie, j’avais l’impression de consulter une bibliothèque de l’histoire contemporaine», a-t-il ajouté, en précisant que «sa connaissance était grande. De surcroît, sur tous les sujets, son expérience était immense».
L’ancien locataire de l’Elysée, dont on apprend qu’il tutoyait son interlocuteur [Bouteflika], affirme s’être emporté à force de l’entendre lui faire des reproches sur les atrocités commises durant la colonisation, en lui «rappelant» qu’au moment des faits, il avait à peine 7 ans. «Nous n’allons pas passer ces quelques heures à nous préoccuper de ce qui s’est déroulé entre nos deux pays il y a maintenant quarante-cinq ans ! De grâce, regardons l’avenir et mettons, au moins entre nous, ce passé de côté !» lui aurait-il dit sur un ton condescendant.
Nicolas Sarkozy affirme également s’être défendu d’avoir un penchant pour le Maroc au détriment de l’Algérie. «Je m’en défendis avec vigueur même si, intérieurement, je me disais au moins, quand je suis à Rabat, le roi ne me reproche pas le protectorat !» a-t-il ironisé, en mettant en avant l’objet de sa visite : demander à Bouteflika d’user de son influence sur les pays voisins pour les inciter à adhérer à son projet d’Union pour la Méditerranée. «Obtenir son approbation sur le principe d’un sommet à Paris était central», a-t-il noté.
«Quand je repense à lui aujourd’hui, j’ai la nostalgie d’un homme cultivé, gentil, inconditionnel de son pays», confie-t-il. «Curieux destin personnel. Il était très discret sur sa vie privée. Il aimait sa mère et vivait avec elle. Il était proche de son frère que je n’ai pas connu réellement et qui dort aujourd’hui dans une prison d’Alger, et ce pour de nombreuses années», relève encore Nicolas Sarkozy, qui assure qu’il voulait «que nous traitions avec l’Algérie de puissance à puissance, en nous tournant vers l’avenir et en laissant tranquille notre passé si tourmenté».
N. D.
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