Sabri Boukadoum lance une pique au Makhzen sur la rencontre de Bouznika
Par Kamel M. – C’est une pique directement adressée au Makhzen qu’a lancée le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum. «L’Algérie aspire à accueillir un vrai dialogue interlibyen», a-t-il affirmé dans une de ses nombreuses interventions ces dernières quarante-huit heures. Son discours prononcé à l’occasion de la 154e session du Conseil de la mourante Ligue arabe, dans sa partie consacrée à la crise libyenne, est une réponse cinglante aux gesticulations marocaines qui tentent de couper l’herbe sous les pieds de la diplomatie algérienne, en accueillant des rencontres entre les parties au conflit en Libye sans que ces conciliabules n’aient jamais apporté quoi que ce soit de concret sur le terrain.
Dès le début, le Makhzen a fait alliance avec les Emirats arabes unis pour tenter de barrer la route à l’Algérie, qui a pris en main le dossier libyen et qui doit, à la demande de la Conférence de Berlin, relancer le dialogue interlibyen à Alger pour aboutir à une solution définitive à la crise.
Une visite effectuée par l’émir émirati à Rabat, en janvier 2020, «s’inscrivait dans la continuité de ce que subit la région», expliquaient des sources proches du dossier à Algeriepatriotique. L’ordre du jour de cette rencontre entre les deux monarques devait être centré sur le «sabotage de toutes les initiatives, et particulièrement celle de l’Algérie, concernant la Libye et le Mali». Ces sources indiquaient que «la sphère de la Françafrique et le lobby sioniste sont pris de panique à l’idée que l’Algérie revienne sur le devant de la scène malgré la grave crise politique interne qui la secoue depuis près d’un an et qui n’est toujours pas résolue». Aussi nos sources pensaient-elles que des «coups tordus» étaient à «prévoir à nos frontières, et même sur le territoire national», car les «relais en Algérie de ces deux acteurs hostiles à notre pays restent très actifs».
Les nombreuses tentatives de freiner les efforts inlassables de l’Algérie visant à un règlement pacifique du conflit libyen ont été accentuées par les événements que vit notre pays. Malgré cette absence, la diplomatie algérienne avait réussi à briser le siège et à s’imposer comme un interlocuteur incontournable dans la gestion de ce dossier.
L’Algérie, qui avait réussi à réunir l’ensemble des belligérants autour d’une même table des négociations à Alger, a vu son initiative parasitée par plusieurs autres rencontres organisées au Maroc, en France et en Italie, jusqu’à la Conférence de Berlin, laquelle a donné lieu à des manœuvres visant à gêner la démarche algérienne, officiellement soutenue par les participants à la conférence abritée par l’Allemagne, mais qui allait forcément buter contre la guerre de tranchées qui fait rage entre les Etats aimantés par les gigantesques richesses souterraines de ce grand pays du Maghreb.
En juillet dernier, après avoir été prié d’annuler sa visite prévue en Algérie, le président du Parlement de Tobrouk, Aguila Saleh, s’est rendu au Maroc où il s’est réuni avec le ministre marocain des Affaires étrangères, chargé par le roi de court-circuiter une nouvelle fois les efforts de l’Algérie visant à éviter une dangereuse escalade dans laquelle le Makhzen s’investit pleinement.
Officiellement, le Maroc s’oppose à «toute ingérence étrangère en Libye». Mais dans les faits, il s’inscrit dans la même logique des pays qui entravent toute solution politique sérieuse dans ce pays en proie aux appétits voraces. Pour ce faire, le Maroc fait jouer sa rouerie habituelle pour faire accroire à une très hypothétique capacité à influer sur le cours des événements en Libye en se présentant comme un interlocuteur «fiable», voire «incontournable».
Inconstant et versatile, le Makhzen a pourtant démontré que l’«accord» de Skhirat a été un flop total, et son absence à la Conférence de Berlin, où Mohammed VI n’a pas été invité – et pour cause – est une preuve supplémentaire du rôle tout à fait secondaire et inconsistant qu’il joue dans cette crise dont la solution est loin d’être à sa portée.
K. M.
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