Bientôt la fin des patrons de presse négriers et de l’agence-mamelle Anep ?
Par Abdelkader S. – C’est à travers une tribune signée d’un pseudonyme et parue dans les colonnes du quotidien à faible audience et proche du pouvoir, La Nouvelle République, que le ministère de la Communication semble ébaucher sa feuille de route. On y décèle une série de mesures qui dessinent la future configuration du secteur de la presse dans les années à venir.
L’auteur de la contribution s’interroge : «Est-ce un simple effet du hasard si, en Algérie, l’information s’est effondrée avec les cours du baril ?» Question allusive adressée aux patrons de presse habitués à téter à la mamelle de l’Anep dont le tarissement a fini de clochardiser une corporation déjà mal en point depuis des années. «Pour ce qui concerne le journalisme, la société par actions a prouvé ses limites. Cette forme juridique a prêté le flanc aux rentiers du régime, voire pour certains médias, aux ingérences internationales à coups de financements dont l’origine, comme l’information dévoyée, se déguise soigneusement», lit-on dans le réquisitoire qui résonne comme le prélude à un changement brutal à venir.
Les entreprises de presse actuelles, dont certaines sont nées à la faveur de la privatisation à tout-va lancée par le réformiste Mouloud Hamrouche au début des années 1990 et d’autres ont été créées par des apparatchiks pour détourner l’argent public, sont appelées à laisser place aux «dynamiques coopératives entre journalistes, aux sociétés des rédacteurs afin que plus aucun journal ne puisse se faire sans ses journalistes, autorisant les dérives les plus terribles, les exploitations les plus amères, amenant à la situation dévastatrice dans laquelle cette profession sinistrée se trouve».
«Il est urgent, note l’auteur de la tribune, de repenser la forme légale de l’édition journalistique, comme de celle des journalistes.» Et de s’interroger : «Ne faudrait-il pas réfléchir à un statut des journalistes comme il existe un statut des magistrats, en lieu et place d’un Code de l’information ?» Pour le signataire de l’article, ce sont là «les conditions premières de sa renaissance». «Le statut du journaliste permettra d’en délimiter du même coup le champ de ses droits, mais aussi de ses obligations et jalonnera ainsi une pratique de l’information qui a besoin bien plus d’éthique et de règles professionnelles que de codes désuets», souligne-t-il.
Un postulat, au demeurant juste, qui doit faire réfléchir à une nouvelle exigence à ajouter à la liste des conditions préalables à l’acquisition de la publicité étatique par les journaux, celle du droit des travailleurs qui sont les premiers à pâtir de la situation catastrophique que vit le secteur de la presse et les derniers à profiter de l’aide indirecte de l’Etat à travers les annonces institutionnelles. «Lorsque de tels ordonnancements professionnels, c’est-à-dire corporatistes, se feront jour, il sera bien plus simple d’organiser la manne publicitaire publique en dehors de la logique du privilège», annonce l’auteur de la tribune, selon lequel ce type de financement, «s’il advenait à ne pas suffire, devrait pouvoir se voir prolonger par des fonds alloués à la presse […], comme il en existe pour le cinéma ou le livre».
La tribune appelle à «un effort de rénovation des rapports sociaux qui s’expriment au sein du secteur médiatique», pour «sortir de la situation misérable de la presse». «En réalité, patrons de presse et système de la rente se sont acoquinés depuis fort longtemps contre les journalistes et le journalisme. Pour retrouver les voies d’une information démocratique, c’est-à-dire authentiquement responsable, il est nécessaire d’imaginer avec les véritables professionnels chevronnés de la presse, restés fidèles à l’idéal de leur profession, les fondements juridiques d’une profonde réforme de la presse – les entreprises et les journalistes – afin, d’une part, de sortir des milliers de travailleurs d’une misère sociale qui ne dit pas, par pudeur, son nom», conclut l’auteur du texte-feuille de route, tout en admettant que «nous nous débattons tant bien que mal pour maintenir ce qui pourrait ressembler de loin à une vie médiatique».
A. S.
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