Internet : des félicitations de la Banque mondiale à la régression programmée (I)
En 2015, Algeriepatriotique lançait un signal d’alarme sur la gestion catastrophique du secteur des télécommunications dans le pays. Un signal d’alarme qui, au lieu d’être pris en compte, a mis en rogne les décideurs de l’époque qui ont réagi en sabotant SLC, un fleuron technologique national mis en valeur par des cadres formés en Algérie, faisant de notre pays le pionner dans l’exploitation de l’Internet sans fil, WiMax.
Dans son intervention, ce dimanche soir, le président de la République a brossé un tableau noir de la situation de l’Internet en Algérie. Ce constat du chef de l’Etat appelle une republication du dossier que nous avions consacré, il y a cinq ans, au secteur déjà moribond à l’époque, en relevant qu’il s’est détérioré davantage depuis, jusqu’à classer l’Algérie parmi les tout derniers pays dans le monde.
Au début des années 2000, le gouvernement algérien, conscient du retard considérable enregistré dans le domaine des télécommunications, opta pour une réforme en profondeur du secteur afin de relever les défis du XXIe siècle et d’arrimer l’Algérie à la société de l’information. Pour donner du crédit à sa volonté de réformer ce secteur hautement sensible, une Déclaration de politique sectorielle fut élaborée par le gouvernement, entérinée par une nouvelle législation et adressée à la Banque mondiale aux fins de faire accompagner les réformes envisagées par cette institution internationale.
Suite à cela, un crédit de dix millions de dollars fut débloqué, non que l’Algérie n’eût pas assez de ressources pour mener à bien sa stratégie d’ouverture et de développement, mais un appui de la Banque mondiale allait crédibiliser les efforts entrepris par l’Etat vis-à-vis des investisseurs étrangers et l’aider à mieux orienter sa politique. Le projet était tellement bien conçu que les responsables de la Banque mondiale félicitèrent l’Algérie pour ses premiers pas «prometteurs».
Un satisfecit qui était considéré par la Banque mondiale, à l’époque, comme une première dans les annales de cette institution prestigieuse, tant le pays avait amorcé, croyait-on, un nouveau départ qui allait hisser l’Algérie au rang des pays développés dans le domaine des technologies de l’information et de la communication. Les avancées réalisées par l’Algérie durant cette période de balbutiements étaient telles, d’ailleurs, que même des pays arabes s’intéressèrent à l’expérience algérienne à laquelle tout le monde prévoyait un essor extraordinaire dans les années qui allaient suivre.
Dans ses engagements contenus dans sa Déclaration de politique sectorielle relative aux télécommunications, véritable feuille de route pour le secteur, le gouvernement notait qu’il s’agissait d’«élaborer une stratégie pour rattraper un retard important du pays en matière de services de télécommunications en profitant des leçons et des expériences régionale et internationale et, en même temps, en prenant en considération les caractéristiques de l’Algérie».
L’objectif affiché était d’accroître l’offre de services téléphoniques et faciliter l’accès aux services de télécommunications au plus grand nombre d’usagers, d’améliorer la qualité des services offerts, de développer un réseau national de télécommunications fiable et connecté aux autoroutes de l’information et de promouvoir les télécommunications comme secteur économique essentiel à l’essor d’une économie compétitive ouverte au monde.
Pour ce faire, l’Algérie s’était engagée à revoir le cadre législatif de sorte à séparer l’exploitation, la régulation et la politique sectorielle. En clair, cela voulait dire que le ministère de tutelle, l’Autorité de régulation (ARPT) et l’opérateur historique (Algérie Télécom) devaient jouer chacun son rôle indépendamment l’un de l’autre. La Déclaration relevait, dans le même contexte, des «déficiences» qui nécessitaient «une nouvelle stratégie basée sur la libéralisation du secteur et l’ouverture du capital de l’opérateur historique», en relevant que les services de télécommunications offerts en Algérie «sont insuffisants et restent en deçà des standards régionaux» et de «l’attente de la population».
Preuve que ce secteur est hautement stratégique, les rédacteurs de la Déclaration soulignaient que la demande non satisfaite de services de télécommunications entravait jusqu’à la croissance économique, limitant ainsi la compétitivité des entreprises algériennes et constituant une contrainte pour les investisseurs potentiels. Le document adressé par le gouvernement à la Banque mondiale relevait des insuffisances criantes qui demeurent jusqu’au jour d’aujourd’hui. Il y est, en effet, indiqué que la mauvaise qualité du service était due «en grande partie au manque de souplesse et de réaction de l’administration publique» et que la productivité du secteur des télécommunications mesurée par le nombre de lignes par employé était «faible». Notant «de modestes succès» malgré les nombreuses faiblesses énumérées, le document officiel souligne que le gouvernement «est de plus en plus conscient de la nécessité de réformer le secteur des télécommunications» et «est déterminé à créer toutes les conditions nécessaires pour sa mise à niveau».
La politique de réforme projetée par le gouvernement s’articulait autour des sept axes, à savoir la mise en place d’un cadre légal et réglementaire, la constitution d’une autorité autonome et indépendante, la constitution d’une entité de télécommunications et une autre pour la poste, la libéralisation des télécommunications en commençant par l’introduction d’un ou de deux nouveaux opérateurs GSM en 2001, la fourniture du service universel dans un marché concurrentiel, la restructuration du ministère de la Poste et des Télécommunications et, enfin, l’ouverture du capital de l’opérateur historique des télécommunications.
Le gouvernement avait soumis un calendrier d’engagements pour la libéralisation des services de télécommunications conformément à un calendrier précis, prévoyant un ou deux nouveaux opérateurs de téléphonie mobile GSM, un ou deux nouveaux opérateurs de VSAT et GMPCS et la libéralisation des services à valeur ajoutée en 2001. Un ou deux nouveaux opérateurs de télécommunications dans les zones rurales peu desservies devaient voir le jour l’année d’après, suivis d’un ou deux nouveaux opérateurs pour les appels nationaux longue distance et un ou deux nouveaux opérateurs pour les appels internationaux en 2003, tandis que l’ouverture de la boucle locale en 2004 devait précéder l’ouverture totale du marché des télécommunications en 2005.
Où en est cet ambitieux programme quinze longues années après l’élaboration de cette fameuse Déclaration ? Nous y reviendrons dans les prochaines parties de ce dossier.
L. S.
Prochaine partie : Ministère de la Poste et des TIC : une institution dédiée à un secteur ou à un opérateur ?
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