Au cœur de la cellule où le roi numide Jugurtha vécut ses derniers jours…
De Rome, Mourad Rouighi – Renouant avec une vieille tradition, l’ambassadeur d’Algérie à Rome, Ahmed Boutache, a effectué, ce mardi, une visite à la prison Mamertine, site prestigieux où, selon les historiens, repose le roi de Numidie, Jugurtha, répondant en l’occasion à l’invitation du complexe du Forum romain, du Saint-Siège, maître des lieux et de la mairie de Rome.
Sa présence en compagnie de la présidente du Forum romain et du Colisée, Alfonsina Russo, venue l’accueillir en personne, et les égards particuliers qui lui ont été réservés par les fonctionnaires en charge du site, par le représentant du ministre de la Culture, Dario Franceschini, et de la représentante de la maire de Rome, Lorenza Fruci, et, pour la partie explication, l’archéologue Patrizia Fortini, participe, nous a-t-on expliqué, d’un «effort précis, au centre de la nouvelle dynamique entre Alger et Rome, encourageant les dirigeants des deux pays à organiser conjointement des initiatives mettant en avant leur patrimoine historique commun». Etaient également présents des fonctionnaires de l’ambassade d’Algérie en Italie et des autorités italiennes.
L’ambassadeur, entouré par nombre de journalistes à la sortie du site, a tenu d’abord à remercier ses hôtes : «Cette prison que j’ai eu l’honneur de visiter, aujourd’hui, accueille un grand roi d’un grand peuple, le nôtre. J’ai donc, au nom de tous les Algériens, rendu hommage à sa mémoire en longeant cet escalier qui conduit à la salle inférieure où il a vécu ses dernières heures. Cela m’a été possible grâce aux bons offices de nos amis italiens qui, dès qu’ils surent que je désirais me recueillir devant le dernier lieu connu du roi Jugurtha, ont tout organisé, en un temps record.» Et d’ajouter : «J’ai eu à dire à mes interlocuteurs, en ce jour si chargé d’émotion, qu’à la lumière des dernières années nous avons, en Algérie, l’intention d’accorder davantage d’attention pour la culture et le patrimoine, ces dimensions qui restent des éléments indissociables de notre histoire et de notre présent, et ce, dans un seul but, celui d’asseoir le double enracinement de notre peuple dans son histoire riche et unique, et dans l’avenir.»
Ahmed Boutache a, en outre, précisé que les experts italiens, accourus pour l’occasion, «m’ont assuré qu’au-delà de toutes les considérations scientifiques, techniques et archéologiques, ils souhaitent faire connaître Jugurtha au grand public italien et international et nous sommes prêts à y contribuer à travers nos cadres et nos chercheurs».
Le symbole est fort
A ce propos, des sources informées ont confié à Algeriepatriotique qu’un colloque sur Jugurtha sera organisé à Rome, avant la fin de l’année, en présence d’experts internationaux de premier plan en patrimoine et en archéologie. L’accent sera mis sur une plus grande synergie entre les chercheurs et les experts des deux pays. «Une nouvelle dynamique, nous dit un diplomate italien sur place, soutenue en premier lieu par les deux chefs d’Etat, Abdelmadjid Tebboune et Sergio Mattarella, mais également au niveau des ministères des Affaires étrangères, de la Culture et du Tourisme, décidés à travailler de concert pour renouer et promouvoir la grande histoire commune des deux pays».
A noter que le site qui fut le lieu de détention d’illustres prisonniers, tels que les apôtres Pierre et Paul, Vercingétorix, roi de Gaule et d’autres encore, est aujourd’hui très peu visité. Un effort de promotion peut ainsi lui donner un coup de pouce. C’est, du moins, ce que pensent et espèrent les experts italiens.
Quant au président de la Quadriennale de Rome, Umberto Croppi, qui a tenu à être lui aussi présent, il nous a fait part de son émotion, lui qui a tant rêvé d’Algérie et de son patrimoine plurimillénaire. «Avec cette visite, une nouvelle dynamique s’est créée qui nous permettra d’aller plus loin dans la coopération entre nos institutions, en insistant sur tout ce qui peut renforcer notre coopération, le travail commun de promotion des œuvres et des sites archéologiques, soutenir des programmes pour former de jeunes algériens au travail de restauration du patrimoine et permettre à des jeunes italiens de mettre en pratique leurs connaissances, dans le cadre de missions mixtes en Algérie et en Italie. Exemple, parmi tant d’autres, le maire de Palerme, Leoluca Orlando, s’est dit très intéressé par le savoir-faire des artisans algériens pour la restauration des sites arabo-musulmans en Sicile. On pourrait, en échange, envoyer des experts italiens pour la réhabilitation des sites romains en Algérie. Une coopération gagnant-gagnant. Le maire de Palerme aussi est d’avis qu’il est impératif que la base de notre action future soit dans la continuité, assurant le suivi de nos actions». Une conviction qui sera, nous assure-t-on, «un élément fondant de cette nouvelle dynamique».
La visite de ce mardi, largement relayée par la presse romaine, a remis en perspective cette Algérie tolérante et ouverte sur son environnement international, fière de sa culture et de ses traditions et décidée à recouvrer pleinement son patrimoine historique. De même, l’impact médiatique a été très positif, au point où on se met à parler à Rome d’une «spécificité algérienne», une nation «singulière, assez forte pour défaire, seule, le terrorisme et assez authentique pour ne point craindre de célébrer ses lointains symboles, à commencer par Jugurtha, un souverain qui a voué toute sa vie à la grandeur de sa nation, unie et indivisible, réfutant l’idée d’un fédéralisme piège qui lui fut proposé et œuvrant tout au long de son règne au bien-être de tous ses sujets».
A travers Jugurtha, notre territoire national présente de vastes champs de vestiges qui illustrent la longue histoire de notre pays et de ses villes antiques qui sont autant de témoignages des civilisations qui l’ont parcouru. Ce qui permet de dire que les clichés réducteurs visant à le figer dans des cercles étroits sont voués à l’échec. Car l’attachement des Algériens à leur ancrage civilisationnel actuel est aussi résolu que leur fierté pour leur histoire plurimillénaire.
M. R.
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